Déclaration d’insaisissabilité fragilisée, une aubaine pour le liquidateur judiciaire

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La chambre commerciale de la Cour de cassation a, par un arrêt de revirement du 15 novembre 2016 (pourvoi n°14-26.287), donné au liquidateur judiciaire qualité pour agir en contestation de la régularité des mesures de publicité de la déclaration d’insaisissabilité.

Cet arrêt mérite qu’on s’y attarde.  Mais avant, LMC Partenaires fait un bref rappel sur la déclaration d’insaisissabilité s’impose.

 

Déclaration d’insaisissabilité : un mécanisme de protection du patrimoine immobilier

 

La déclaration d’insaisissabilité est un moyen permettant aux entrepreneurs individuels, commerçants, artisans, professionnels libéraux, exploitants agricoles ou encore autoentrepreneurs, de mettre leur patrimoine à l’abri d’éventuelles saisies de créanciers professionnels. Cette déclaration est sans effet à l’égard des créanciers dont la créance n’a aucun lien avec l’activité professionnelle du déclarant.

Tout le patrimoine immobilier de l’entrepreneur individuel peut faire l’objet d’une déclaration d’insaisissabilité, y compris les biens ne constituant pas la résidence principale du déclarant, à l’exception des biens affectés à son usage professionnel.

La déclaration est effectuée à peine de nullité par acte notarié.

Cette protection, particulièrement importante en cas de difficultés de l’entrepreneur aboutissant à l’ouverture d’une procédure collective, est soumise à des règles d’opposabilité aux créanciers strictes. La déclaration est ainsi soumise à une double publicité:

  • Auprès des services de la publicité foncière du lieu de situation de l’immeuble ;
  • Au sein du registre dans lequel l’entrepreneur est immatriculé (Registre du commerce et des sociétés, Répertoire des métiers etc.) ou au sein d’un journal d’annonces légales si l’entrepreneur n’est pas immatriculé ;

C’est justement à propos de l’opposabilité de la déclaration d’insaisissabilité dans le cadre d’une procédure collective que l’arrêt du 15 novembre 2016 présente un intérêt certain.

 

La faculté de contester la régularité de la publicité : une extension des pouvoirs du liquidateur judiciaire

 

Par un arrêt rendu le 28 juin 2011 (pourvoi n°10-15.482) la chambre commerciale de la Cour de cassation avait posé le principe selon lequel le liquidateur judiciaire était dans l’impossibilité de procéder à la saisie-vente d’un immeuble ayant fait l’objet d’une déclaration d’insaisissabilité, si cette dernière n’était pas opposable à l’ensemble des créanciers.

En effet, la déclaration d’insaisissabilité n’est opposable qu’aux créanciers dont la créance est née postérieurement à sa publication.

De ce fait, si au jour de la procédure de liquidation judiciaire évoluent ensemble des créanciers ayant le droit de saisir l’immeuble parce que la déclaration leur est inopposable et des créanciers à qui la déclaration est opposable, le liquidateur judiciaire ne peut saisir le bien pour procéder ensuite à sa vente forcée.

De la sorte, l’opposabilité de la déclaration d’insaisissabilité dépend essentiellement de la régularité de sa publicité.

Tout naturellement, la doctrine majoritaire estimait que le liquidateur judiciaire avait la qualité pour agir en contestation de la régularité de la publicité.

Pour autant, un arrêt de la chambre commerciale du 13 mars 2012 (pouvoir n°11-15.438) était venu mettre un terme à ces affirmations, en précisant que le liquidateur judiciaire n’avait pas la qualité pour contester la régularité de la publicité d’une déclaration d’insaisissabilité.

Sans revenir sur les raisons qui avaient poussé la chambre commerciale à poser un tel arrêt aux élans des liquidateurs judiciaires, il convient de relever qu’une partie des théoriciens en la matière se sont érigés contre cette solution.

Les Hauts magistrats viennent de revoir leur copie. Par un arrêt rendu le 15 novembre 2016, la chambre commerciale est revenue sur sa décision et a affirmé que:

 

« la déclaration d’insaisissabilité n’étant opposable à la liquidation judiciaire que si elle a fait l’objet d’une publicité régulière, le liquidateur qui a qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers, est recevable à en contester la régularité à l’appui d’une demande tendant à reconstituer le gage commun des créanciers ».

 

Il en résulte que désormais le liquidateur judiciaire pourra soulever l’irrégularité de la publicité de la déclaration d’insaisissabilité afin de la rendre inopposable aux créanciers. Cela lui permettra de procéder à la saisie-vente de l’immeuble concerné, le bien réintégrant le gage commun des créanciers.

En conclusion, cette solution est dangereuse pour l’ensemble des entrepreneurs ayant procédé à une déclaration d’insaisissabilité. Il conviendra d’être extrêmement attentif au respect des formalités de publicité obligatoires.

Cette solution a toutefois une portée plus limitée depuis la loi n°2015-990 du 6 août 2015, dite MACRON, qui rend insaisissable de plein droit, sans formalités, l’immeuble lieu de résidence principale de l’entrepreneur (articles L526-1 et s. du Code de commerce).

Ces nouvelles dispositions ne sont toutefois applicables qu’aux créanciers dont la créance est née postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la loi, soit le 8 août 2016.

Le risque demeure par ailleurs pour les autres biens composant le patrimoine immobilier de l’entrepreneur.