Législation actuelle sur le travail détaché

Les entreprises Européennes qui ont leur siège social hors de France, peuvent détacher temporairement leurs salariés en France pour y exercer une prestation de services.

La France est, derrière l’Allemagne, le second pays d’accueil des travailleurs détachés : 229.000 salariés étaient concernés en 2014 pour passer à près de 300.000 en 2015.

Ce mode d’activité fait couler beaucoup d’encre du fait de certains montages frauduleux, de contournement de la réglementation et du dumping social que cela entraîne.

La législation encadrant le détachement des salariés a évolué depuis la directive de 1996 en en durcissant les conditions de forme et de fond, l’objectif de ces lois étant d’amplifier la lutte contre la fraude.

Le travail détaché est encadré par un arsenal législatif conséquent :

La directive européenne de 1996
La directive d’exécution 2014
La loi SAVARY du 2 novembre 2014
La loi MACRON du 6 août 2015
La loi travail EL KHOMRI 8 août 2016


La situation de détachement
en France est régie par l’article L 1262-1-2-3 du Code du travail qui dispose que :

 • L’employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le sol français

• L’entreprise de travail temporaire établie hors de France peut détacher un salarié auprès d’une entreprise utilisatrice française,
• L’entreprise établie hors de France peut détacher un salarié pour exercer une opération pour son propre compte.

L’élément indispensable est qu’il doit exister un contrat de travail entre le salarié et l’entreprise étrangère et que ce contrat doit subsister pendant le détachement. A ce jour, aucune durée de détachement n’est prévue.

La réglementation applicable à la relation de travail sur le sol français est le droit du travail français.

Doivent donc être respectés :

• Les libertés individuelles et collectives
• La non-discrimination Homme/Femme
• La protection sociale (maternité, maladie…)
• La durée du travail, jours fériés, congés payés
• Le salaire minimum, les majorations salariales
• Les règles d’hygiène et de sécurité
• La réglementation sur les accidents du travail (déclaration à l’inspection du travail)

La Société étrangère paye ses charges sociales dans son pays d’origine.

La société étrangère doit respecter les formalités suivantes :

• Avant le détachement :

– La société étrangère doit adresser à l’inspection du travail du lieu où débute la prestation une déclaration en français (téléservice « SIPSI ») et demander la carte d’identification professionnelle pour chacun des salariés détachés. Cette carte dite « BTP » est obligatoire depuis le 22 mars 2017 pour tous les travailleurs détachés (elle est aussi obligatoire pour les sociétés françaises au plus tard au 30 septembre 2017).

– La société étrangère doit désigner un représentant de l’entreprise sur le territoire national qui est chargé d’accomplir ses obligations et assurer la liaison avec les agents de contrôle

– Elle paye une contribution forfaitaire (50 € / salarié)

• Depuis le 1er avril 2017 :

– Les salariés détachés ou l’employeur établi à l’étranger ou son représentant en France, doivent tenir à la disposition de l’inspection du travail sur le lieu d’exécution du travail ou chez le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage, le formulaire concernant la législation de la sécurité sociale qui leur est applicable.

A défaut : une pénalité peut être infligée au donneur d’ordre ou au maître d’ouvrage (à hauteur du plafond mensuel de la sécurité sociale pour chaque salarié).

Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre doivent respecter une obligation de vigilance :

‐ Il doit vérifier que le prestataire s’est acquitté de ses obligations.

– Il doit se faire remettre une copie de la déclaration de détachement et de désignation du représentant. Si l’entreprise étrangère ou son représentant n’ont pas fait la déclaration, il doit dans les 48h faire une déclaration subsidiaire (via le téléservice SIPSI),

‐ Il doit vérifier que les sous-traitants directs ou indirects de ses cocontractants qu’il a agréés, se sont eux-aussi acquittés de leurs propres obligations déclaratives. La loi travail a renforcé leur devoir de vigilance sur toute la chaine des sous-traitants.

‐ Il doit annexer la déclaration de détachement à son registre unique du personnel.

‐ Il doit détenir le formulaire d’affiliation au régime de sécurité sociale du salarié détaché.

‐ En matière de chantiers de bâtiment/génie civil : il doit porter à la connaissance des salariés détachés par voie d’affichage sur les lieux de travail les informations sur la réglementation applicable. L’affichage doit être traduit dans la langue du pays d’origine.

‐ Il doit s’assurer que les salariés détachés ont bien une carte d’identification professionnelle, à défaut leur présence est jugée illégale.

Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre ont également un devoir d’injonction :

‐ Dès que le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage est informé par l’administration d’un non-paiement du salaire minimum légal/conventionnel par une entreprise étrangère, il doit enjoindre cette dernière par écrit de régulariser sans délai la situation.

A défaut :de respecter ce devoir d’injonction et si la régularisation n’est pas faite et si le contrat de prestation n’est pas dénoncé : le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage sera tenu solidairement avec l’employeur du paiement des sommes dues à sonner au salarié détaché.

– L’employeur a 7 jours à compter de l’injonction pour obtempérer.

– Information de l’administration de la situation par le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage.

– L’agent de contrôle informe par écrit les salariés qu’à défaut de paiement par l’employeur ou par le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage, ils peuvent saisir le Conseil des Prud’hommes.


Sanctions :

‐ Suspension temporaire de l’activité du prestataire de service étranger et amende administrative jusqu’à 10.000 € par salarié, si sont constatés :

• Des manquements à la durée de travail,

• Le non-respect du paiement du salaire minimum,

• L’hébergement incompatible avec la dignité humanitaire,

• Le non affichage des documents obligatoires en langue française,

• La fourniture d’informations erronées.

– Amende administrative de 2.000 € par salarié en cas de :

•Absence de déclaration de détachement ou de désignation de représentant en France.

•Absence de documents traduits en langue française

Le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage peuvent subir les mêmes sanctions s’il enfreint son obligation de vigilance, de déclaration d’accident du travail ou d’affichage.

Les contrôles vont croissants :

 

  • 2015 : 500 contrôles par mois
  • 2016 : 1.500 contrôles par mois
  • Depuis 2015 : 840 sanctions ont été prononcées et ont été collectés 4,5 millions d’euros d’amendes

Des réformes européennes sont en cours de discussion mais certains pays notamment d’Europe de l’Est (Bulgarie, Hongrie, Roumanie, Pologne, Slovaquie…) refusent le changement au nom du respect du principe de libre circulation.

Sont en débat les points clés suivants : ce que doit inclure la rémunération des travailleurs détachés, l’encadrement de la sous-traitance et les durées maximales du statut de « détachés ».

La France fait un lobbying appuyé pour obtenir une réécriture de la loi européenne et le Président MACRON souhaite pouvoir négocier la limitation de la durée autorisée de séjour d’un travailleur détaché en France à un an et redéfinir au niveau européen les règles du détachement pour mettre fin à toutes les formes de concurrence sociale déloyale.

L’avenir nous dira si notre nouveau Président est plus convaincant que les précédents.