Le délit d’entrave redéfini par la loi MACRON

Loi Macron réajuste le délit d'entrave

L’Article 262 de la loi MACRON du 6 Aout 2015 amoindrit le risque d’emprisonnement pour le délit d’entrave aux institutions représentatives du personnel (« IRP »), tout en augmentant l’amende délictuelle.

Cette loi a été conçue dans un but « d’attractivité » (pour reprendre les termes du projet de loi MACRON), l’objectif étant de ne pas effrayer les investisseurs étrangers sur cet aspect qui les inquiétait.

 

Rappel du délit d’entrave avant la loi MACRON :

 

Le délit d’entrave est caractérisé par une atteinte volontaire portée à la constitution des IRP, à la libre désignation de ses membres, à son fonctionnement, au statut protecteur des représentants du personnel et à l’exercice du droit syndical. L’entrave peut également viser la libre désignation et les fonctions des conseillers prud’homaux, celle relative à la non-présentation du bilan social ou encore l’absence de mise à disposition du document unique relatif à l’évaluation des risques professionnels.

L’article L. 2141-4 du Code du travail dispose que :

« L’exercice du droit syndical est reconnu dans toutes les entreprises dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution de la République, en particulier de la liberté individuelle du travail.

Les syndicats professionnels peuvent s’organiser librement dans toutes les entreprises conformément aux dispositions du présent titre ».

Afin de garantir la protection d’une telle liberté, l’article L. 2146-1 du Code du travail dispose que :

« Le fait d’apporter une entrave à l’exercice du droit syndical, défini par les articles L. 2141-4, L. 2141-9 et L. 2141-11 à L. 2143-22, est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros ».

La récidive double le quantum des peines maximum encourues citées ci-dessus.

Comme tout délit pénal, le délit d’entrave suppose la réunion des éléments constitutifs suivants :

  • un élément matériel tels les obstacles et autres manœuvres empêchant les institutions représentatives du personnel et syndicales de se constituer et de fonctionner correctement,
  • un élément intentionnel, à savoir la volonté de commettre l’acte. L’ignorance de la loi ou l’erreur de droit ne sont pas des causes exonératoires de responsabilité.

 

Constituent par exemple des délits d’entrave :

  • ne pas réunir le CE ou les délégués du personnel périodiquement,
  • le refus de l’employeur d’organiser les élections des délégués du personnel, de procéder aux réunions mensuelles obligatoires et de tenir le registre spécial faisant état des revendications des délégués et des réponses motivées de l’employeur,

Le délit d’entrave trouve aussi à s’appliquer lors du licenciement de certains salariés protégés du fait de leur mandat de délégué syndical ou d’élu à l’une des institutions représentatives du personnel :

  • mise à pied préventive d’un salarié protégé en l’absence de faute grave ;
  • prononcé d’une sanction excessive, injustifiée ou prononcée au-delà de la décision de l’inspecteur du travail à l’encontre d’un délégué syndical ;
  • refus de la réintégration d’un délégué syndical irrégulièrement licencié ;
  • modification du contrat de travail, rétrogradation ou actes de discrimination à l’encontre d’un délégué syndical ;
  • licenciement d’un salarié protégé sans l’autorisation de l’inspecteur du travail.

 

L’apport de la loi Macron :

Au tout début, le projet de Loi Macron prévoyait sa dépénalisation pure et simple. Ce n’est pas ce qui a été retenu au final :

  • Risque seulement une amende de 7.500 euros (doublement de la peine d’amende) sans emprisonnement, l’employeur personne physique qui :
    • porte ou tente de porter atteinte à l’exercice régulier des délégués du personnel ;
    • apporte une entrave au fonctionnement régulier du comité d’entreprise (CE), du comité d’établissement ou du comité central d’entreprise (CCE), du groupe spécial de négociation ou du comité d’entreprise européen, du comité de la société européenne, du comité de la société coopérative européenne, du comité de la société issue de la fusion transfrontalière, du comité de groupe ou du CHCST ;
    • dans une entreprise d’au moins 300 salariés ou dans un établissement distinct comportant au moins 300 salariés, n’établit pas et ne soumet pas annuellement au comité d’entreprise ou d’établissement le bilan social d’entreprise ou d’établissement (12).

Pour les personnes morales, l’amende est quintuplée avec un maximum de 37 500 euros, hors cas de récidive.

  • Risque toujours un emprisonnement d’une durée d’1 an mais désormais une amende de 7.500 euros, l’employeur qui :
    • porte ou tente de porter atteinte à la libre désignation des délégués du personnel;
    • apporte une entrave soit à la constitution d’un comité d’entreprise, d’un comité d’établissement ou d’un comité central d’entreprise, soit à la libre désignation de leurs membres ;
    • apporte une entrave soit à la constitution d’un groupe spécial de négociation, d’un comité d’entreprise européen ou à la mise en oeuvre d’une procédure d’information et de consultation, soit à la libre désignation de leurs membres ;
    • apporte une entrave soit à la constitution d’un groupe spécial de négociation, d’un comité de la société européenne, d’un comité de la société coopérative européenne, d’un comité de la société issue de la fusion transfrontalière soit à la libre désignation de leurs membres;
    • ne constitue pas et ne réunit pas pour la première fois un comité de groupe ou qui apporte une entrave à la désignation des membres d’un comité de groupe ;
    • porte atteinte ou tente de porter atteinte soit à la constitution, soit à la libre désignation des membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Il existe donc une différence de traitement entre les entraves en fonction des institutions et des situations concernées.

 

L’apport de la loi MACRON :

L’attractivité de cette loi est relativement faible car en pratique les peines d’emprisonnement n’étaient quasiment jamais prononcées. En outre, si l’objectif était d’assouplir les sanctions applicables, encore aurait-il fallu de l’étendre à tous les délits d’entrave et notamment à ceux relatifs au droit syndical. Outre la modification des sanctions, le délit d’entrave en lui-même reste inchangé, sa caractérisation restant la même.

Le dommage collatéral de cette loi tient au fait que les personnes poursuivies et ne risquant qu’une peine d’amende, ne peuvent plus bénéficier de l’assistance d’un avocat lors de leurs auditions. Depuis la loi du 1er janvier 2015, les personnes entendues dans le cadre d’une audition libre peuvent être assistées par un avocat dès lors que l’infraction est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.

En conclusion, il s’agit d’une réforme en demi-teinte pour les chefs d’entreprise.

Tableau récapitulatif :

Loi Macron