Macron : Retour sur les propositions d’évolution du droit du travail

Les propositions d’évolution du droit du travail inscrites dans le programme d’Emmanuel MACRON : les accords d’entreprise, la Délégation Unique du Personnel et le barème des indemnités prud’homales.

Le gouvernement sous la houlette de Manuel VALLS a, entre 2015 et 2016, fait des avancées importantes dans le domaine du droit du travail. Si la loi REBSAMEN a été votée sans difficulté, la loi EL KHOMRI est passée aux forceps par l’article 49-3 faisant descendre dans la rue des centaines de milliers de manifestants.

Le candidat Emmanuel MACRON avait inscrit dans son programme des propositions de réforme du droit du travail encore plus audacieuses portant sur le dialogue social, l’allègement des cotisations, l’emploi, la rupture du contrat de travail et le chômage, l’égalité entre les sexes et la discrimination.

Le Président MACRON a prévu d’introduire un projet de loi avant l’été et de le faire passer par voie d’ordonnances.

Arrêtons-nous sur trois évolutions des textes antérieurs pour cerner l’impact des nouveautés proposées dans cette réforme du droit du travail.

I –  Les accords d’entreprises

Rappelons que depuis une vingtaine d’années, on assiste à la création de « modes supplétifs» de négociation collective, c’est-à-dire à la possibilité pour les entreprises de négocier et de conclure des accords alors même qu’il n’existe pas de délégué syndical.

En effet, l’idée est de contourner le principe du monopole syndical de la négociation en cas d’absence de délégué syndicaux dans les entreprises afin de ne pas priver ces dernières entreprises de l’accès à la négociation collective et ce d’autant qu’au fil du temps, de nombreuses modalités d’organisation du temps de travail se sont développées et ne peuvent être mises en œuvre qu’à la condition d’être prévues par des accords collectifs (accords de branche, accords d’entreprise).

Jusqu’à l’adoption de la loi Travail, la priorité était accordée à la négociation avec les élus lorsqu’il en existe.

Il est possible de négocier avec les élus (délégués du personnel, membre du Comité d’Entreprise) ou d’avoir recours à des salariés non élus mais mandatés par une organisation syndicale (à la condition qu’aucun élu ne se manifeste, ou qu’il y ait eu une carence aux élections, ou encore que l’entreprise compte moins de 11 salariés).

L’accord d’entreprise qui intervient avec les élus non syndiqués ou avec un salarié mandaté, doit ensuite être approuvé par la Commission paritaire de branche.

Ainsi, les évolutions législatives de ces 20 dernières années, ont ouvert le dialogue social au-delà des syndicats et permis aux entreprises dépourvues de délégués syndicaux de négocier un accord. Cependant, en application du principe de la hiérarchie des normes (Constitution, code du travail, accord de branche, accord d’entreprise), une norme de niveau inférieur (en l’espèce un accord d’entreprise) ne pouvait pas prévoir de dispositions moins favorables que celles prévues par le niveau supérieur (l’accord de branche par exemple).

Ainsi, pour que l’accord d’entreprise soit valable, il devait nécessairement être plus favorable que l’accord de branche (qui lui-même ne doit pas être moins favorable que le code du travail).

  • La loi El Khomri du 8 août 2016, dite « loi Travail », permet d’inverser la classique hiérarchie des normes par la possibilité de signer un accord d’entreprise dérogatoire à l’accord de branche mais seulement sur le sujet du temps de travail (nombre maximum d’heures quotidiennes et hebdomadaires, temps de repos, congés payés).

Depuis l’entrée en vigueur de la loi Travail, un accord d’entreprise en matière de temps de travail peut être moins favorable qu’un accord de branche.

En revanche, les thèmes de l’égalité professionnelle, la pénibilité, les classifications et les salaires minima ne peuvent faire l’objet d’accords d’entreprise moins favorable que ce qui est prévu par la branche.

Ces accords, pour être valables, devront recueillir la signature de syndicats ayant obtenus 50% des voix aux élections professionnelles ou avoir obtenus au moins 30% des voix puis être validé par un référendum auprès des salariés de l’entreprise. Ce référendum ne peut être mis en place qu’à la seule initiative des syndicats. Si le référendum valide l’accord, il devient applicable. Cela revient d’une certaine manière à supprimer le droit d’opposition des syndicats non signataires qui se voit couper l’herbe sous le pied par ce référendum.

Il sera toujours possible de signer avec des élus titulaires non mandatés ou avec des salariés mandatés. L’exigence d’approbation de la Commission paritaire de branche a été supprimée ce qui allège considérablement le formalisme (il suffit de l’informer).

Le projet du Président Macron: va-t-il plus loin ?

 

Ce projet prévoit d’une part, qu’il y aura un socle intangible de droits fondamentaux prévu par le Code du travail auquel il ne pourra pas être dérogé (égalité hommes/femmes, durée légale de temps de travail à trente-cinq heures par semaine, salaire minimal au-dessous duquel il est impossible de descendre, plancher de 10 % du taux de majoration des heures supplémentaires), d’autre part que cette inversion des normes pourra s’appliquer à tous les domaines du droit du travail et enfin, en cas de signature de l’accord par des syndicats minoritaires n’ayant obtenu qu’entre 30% et 49% des voix aux élections professionnelles, la mise en place du référendum peut se faire à l’initiative soit de l’employeur soit des syndicats.

Ainsi, tout accord d’entreprise résultera soit d’un accord majoritaire avec les syndicats, soit d’un référendum à l’initiative de l’employeur ou des syndicats sur la base d’un accord minoritaire.

Les entreprises n’ayant pas signé d’accord d’entreprise se verront appliquer l’accord de branche.

II –  La délégation unique du personnel

 

  • Avant la loi Rebsamen les entreprises de moins de 200 salariés pouvaient regrouper les instances représentatives du personnel dans une instance commune : la délégation unique du personnel. Elle rassemble les délégués du personnel et le comité d’entreprise, et également le CHSCT.

La loi Rebsamen a étendu cette possibilité aux entreprises de plus de 300 salariés.

Dans les entreprises de plus de 300 salariés, il n’est pas possible de recourir de manière automatique à la DUP. En revanche, il est possible de conclure un accord avec les organisations syndicales représentatives pour regrouper les DP, le CE et le CHSCT, ou juste deux de ces institutions. Cette faculté est ouverte lors de la constitution ou du renouvellement de l’une de ces trois institutions.

Le projet du Président Macron

 

Ce projet prévoit la mise en place d’une instance unique de représentation reprenant l’ensemble des attributions des 3 institutions dans toutes les entreprises et tous les groupes sans limitation de plafond, sauf accord d’entreprise pour maintenir les instances existantes ou en créer de nouvelles.

Ce projet a pour objet de faire tomber le seuil des 300 salariés maximum et  de « limiter les effets de seuils » (le fait qu’un employeur renonce à embaucher car cela l’obligerait à créer une de ces instances).

III –  Le plafond des indemnités prudhommales

 

Cette volonté de plafonner les indemnités prud’homales a subi des échecs successifs.

La loi Macron du 6 aout 2015

 

Prévu à l’article 266 de la loi Macron, le principe du plafonnement des indemnités de licenciement avait pour but de faire disparaître les craintes de nature économique des employeurs, leur permettant d’envisager de procéder au licenciement d’un salarié sans craindre une sanction pécuniaire trop importante.

Il appartient aux juges d’apprécier le montant des dommages-intérêts à allouer au salarié dans le cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Si dans le cadre d’une petite entreprise, ne bénéficiant pas de conseil juridique, d’avocat, et commettant une erreur d’appréciation en licenciant un salarié, on peut comprendre qu’il y ait un intérêt à ce que la sanction financière ne soit pas trop importante pour ne pas pénaliser financièrement l’entreprise et fragiliser l’emploi des salariés qui la composent.

Le projet de loi prévoyait que les indemnités soient calculées en fonction de l’ancienneté et de la taille de l’entreprise, le préjudice subi par le salarié étant plafonné.

Le Syndicat des Avocats de France a saisi le Conseil constitutionnel lui demandant d’invalider cette mesure de la loi Macron au nom du droit du salarié à la réparation intégrale du préjudice subi.

Dans un avis rendu le 5 août 2015, le Conseil constitutionnel n’a pas censuré le principe même du barème mais a invalidé ce dispositif au motif que le critère lié à la taille de l’entreprise est contraire au principe constitutionnel d’égalité devant la loi dès lors qu’il ne présente aucun lien avec le préjudice subi par le salarié du fait de la perte de son emploi.

Le législateur peut donc plafonner l’indemnité due au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, afin de favoriser l’emploi en levant les freins à l’embauche.

Mais le législateur doit retenir des critères présentant un lien avec le préjudice subi par le salarié. Or, si le critère de l’ancienneté dans l’entreprise est en adéquation avec l’objet de la loi, tel n’était pas le cas du critère des effectifs de l’entreprise.

En revanche, le « référentiel indicatif » prévu par la loi Macron peut s’appliquer.

La loi El Khomri du 8 août 2016

 

Le plafonnement des indemnités prudhommales pour licenciement abusif a été repris dans le projet de loi El Khomri. Le barème a été construit uniquement en fonction de l’ancienneté du salarié.

Les opposants à cette « barèmisation » du préjudice le voient comme une atteinte aux droits des salariés, voire comme une autorisation de « licencier sans motif ». Après de nombreuses contestations dans le cadre des discussions ayant précédé l’adoption de la loi El Khomri, il a été présenté un projet de décret comportant un référentiel indicatif : une ancienneté inférieure à 2 ans donnerait droit à 3 mois de salaire, entre 2 et 5 ans à 6 mois de salaire, de 5 à 10 ans à 9 mois de salaire, de 10 à 20 ans à 13,5 mois de salaire et au-delà de 20 ans de 14 mois à 22,5 mois de salaire.

Le texte a ajouté une majoration d’un mois de salaire si le salarié était âgé d’au moins 50 ans à la date de rupture, ainsi qu’une majoration d’un montant identique en cas de difficultés particulières de retour à l’emploi du salarié, tenant à sa situation personnelle et à son niveau de qualifications au regard de la situation du marché du travail au niveau local ou dans le secteur d’activité considéré.

Le projet du Président Macron : un système de plancher/plafond

 

Le Président de la République veut mettre en place un plancher et un plafond pour les indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle ou sérieuse, hormis pour les cas de discrimination et de harcèlement.

Les détails de cette réforme ne sont pas encore dévoilés, et les discussions avec les partenaires sociaux commencent.