Préjudice écologique, indemnisation en cas de faute caractérisée

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Par un arrêt du 22 mars 2016 (n°13-87.650), la chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé les modalités d’indemnisation d’un préjudice de nature écologique.

 

Une faute avérée et un préjudice certain

 

En l’espèce, les faits étaient relativement simples. L’estuaire de la Loire avait été pollué au fuel à la suite d’une rupture de tuyauterie au sein de la raffinerie Total de Donges le 16 mars 2008, ce qui s’était traduit par des dégradations de la faune et de la flore locales et par la mise en action de diverses associations, dont la Ligue pour la Protection des Oiseaux.

La faute de la société Total raffinage marketing avait été retenue par une condamnation pénale devenue définitive, au motif que cette société avait violé les articles L.216-6 et L.218-73 du code de l’environnement, s’étant rendue coupable de rejet en mer ou eau salée de substances nuisibles pour le maintien ou la consommation de la faune ou de la flore et de déversement de substances nuisibles dans les eaux souterraines superficielles ou de la mer.

 

L’action en indemnisation portée par une association agréée

 

En qualité d’association agréée, la Ligue pour la Protection des Oiseaux a pu exercer les droits reconnus usuellement à la partie civile dans une instance pénale au titre de l’article L142-2 du code de l’environnement.

Ainsi, la Ligue pour la Protection des Oiseaux a pu demander réparation du préjudice écologique découlant des fautes caractérisées de la société Total raffinage marketing en engageant sa responsabilité civile sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, selon lequel :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

 

Le rejet de la cour d’appel de Rennes de la demande en indemnisation

 

Néanmoins, dans une décision en date du 27 septembre 2013, la cour d’appel de Rennes, tout en reconnaissant la réalité du préjudice écologique, refuse toute indemnisation de celui-ci en soulignant :

  • qu’une partie de la demande d’indemnisation formulée par la Ligue pour la Protection des Oiseaux était chiffrée sur la base d’une simple estimation, par espèces, du nombre d’oiseaux morts, sans que ces décès soient prouvés ou même prouvables ;
  • que l’autre partie de cette demande d’indemnisation était fondée sur le budget annuel de la Ligue pour la Protection des Oiseaux relatif à la gestion de la baie de l’Aiguillon, confondant ainsi le préjudice personnel de cette association et le préjudice écologique avéré.

 

Le rappel de la Cour de cassation : faute, préjudice et lien de causalité égale indemnisation

 

La Cour de cassation rappelle que l’indemnisation du préjudice écologique doit se faire suivant les règles du droit commun : la preuve d’une faute, la preuve d’un dommage et la relation de causalité entre les deux doivent être établies.

Or, la cour d’appel de Rennes avait reconnu l’existence de ces trois éléments sans toutefois faire droit à la demande d’indemnisation du préjudice subi formulée par la Ligue de Protection des Oiseaux au regard de l’insuffisance et de l’inadaptation du mode d’évaluation.

Selon la Haute juridiction, cet argument n’est pas de nature à prévenir l’indemnisation du préjudice écologique subi. Tout en invitant implicitement la Ligue pour la Protection des Oiseaux à faire chiffrer le dommage par voie d’expertise, la Cour de cassation affirme, dans un attendu de principe :

« Il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe et d’en rechercher l’étendue ».

Par conséquent, la Cour de cassation a considéré que la reconnaissance de la faute et du dommage causé, soit l’altération de l’avifaune et de son habitat pendant une période de deux ans, et du lien de causalité entre eux devait nécessairement conduire à l’indemnisation du préjudice, peu importe le fait que le mode de calcul proposé par la Ligue de Protection des Oiseaux relève d’une estimation. Cependant, force est de constater que la Cour de cassation ne cherche pas à chiffrer elle-même ce préjudice, laissant cette question à l’appréciation souveraine de la cour d’appel de Rennes, autrement composée, à qui l’affaire a été renvoyée. Il faudra donc attendre la décision de cette dernière pour connaître le fin mot de l’affaire.