Clause de non concurrence : limitation oui, disproportion non !

la clause de non-concurrence

La clause de non-concurrence, figure contractuelle depuis longtemps connue et utilisée au sein des contrats de travail ou d’affaires, continue d’alimenter le contentieux devant la Cour de cassation.

Par un arrêt du 11 mai 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue une nouvelle fois préciser les conditions de validité d’une clause de non-concurrence (Com. 11 mai 2017, n°15-12.872). Si l’affaire menée devant la Cour de cassation portait sur un contrat d’agent commercial, la portée de l’arrêt peut être étendue à l’ensemble des contrats d’affaires.

 

La clause de non-concurrence : composante essentielle d’un contrat

Il convient de prime abord de revenir sur la différence entre la clause de non-concurrence en droit du travail et celle en droit commercial. Ces deux clauses ont pour objectif commun de protéger l’entreprise contre une potentielle concurrence d’un ancien ou actuel salarié ou encore d’un partenaire commercial. En effet, ces derniers en contact avec les secrets d’affaires et méthodes commerciales de leurs employeurs ou partenaires, bénéficieraient d’un avantage excessif et unique.

Pour autant, si le but est identique, les clauses de non-concurrence figurant au sein d’un contrat de travail sont encadrées par des conditions distinctes de celles pour les contrats d’affaires :

  • L’intérêt protégé doit être légitime, ce qui signifie qu’elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’employeur ;
  • La clause doit être limitée dans le temps mais également dans l’espace ;
  • La clause doit être proportionnée à l’intérêt protégé et prendre en compte les missions confiées au salarié ;
  • La clause doit obligatoirement prévoir une contrepartie financière ;

 

C’est en ce dernier élément que la clause de non concurrence figurant au sein des contrats de travail se distingue des clauses figurant au sein des contrats d’affaires. La clause de non-concurrence doit ainsi également être limitée dans sa durée et l’espace, et être proportionnée à l’objet du contrat et nécessaire à la protection des intérêts légitimes à protéger. Une contrepartie financière n’est pas exigée.

Cette distinction a notamment été rappelée le 11 mars 2014, par la chambre commerciale de la Cour de cassation selon laquelle :

« Mais attendu, d’une part, que dès lors qu’il n’était pas allégué qu’au jour de la souscription de la clause de non-concurrence, M. X… avait la qualité de salarié de la société, la cour d’appel a énoncé à bon droit qu’il suffisait, pour que cette clause fût licite, qu’elle soit limitée dans le temps et dans l’espace et proportionnée aux intérêts légitimes à protéger » (Com., 11 mars 2014, n° 12-12.074)

 

La clause de non concurrence : une interdiction proportionnée

 

Le litige présenté à la Cour de cassation (Com. 11 mai 2017, n°15-12.872) ne portait pas sur une contrepartie financière, non exigée en raison du contexte de droit des affaires et non de droit social.

En l’espèce, un contrat d’agent commercial avait été conclu entre deux sociétés, et comprenait une clause de non-concurrence visant le gérant de la société agent commerciale. La seconde société ayant été dissoute, le contrat d’agent commercial avait pris fin.

Une nouvelle société a par la suite été constituée, au sein de laquelle l’ancien gérant était devenu salarié.

La première société engagea une action à son encontre pour violation de la clause de non-concurrence et actes de concurrence déloyale.

La cour d’appel de RENNES dans un arrêt du 9 décembre 2014, a déclaré nulle la clause de non-concurrence.

Saisie d’un pourvoi de la société dont les droits auraient été bafoués, la Cour de cassation rappelle que pour être valable une clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l’espace ainsi qu’être proportionnée par rapport à l’objet du contrat et nécessaire à la protection des intérêts légitimes de son bénéficiaire. La Cour de cassation ne fait ici que reprendre l’ensemble des éléments classiques de validité d’une clause de non-concurrence.

La Cour précise que la juridiction du fond a légalement justifié sa décision d’annuler la clause de non-concurrence litigieuse, en ce qu’elle n’était pas limitée géographiquement, s’appliquant sur l’ensemble du territoire français. De plus, la clause n’était pas proportionnée à l’objet du contrat puisqu’elle n’avait pas pour but de protéger la clientèle du mandant, première société. Au contraire, la clause avait pour objet  « d’interdire l’accès au marché national à l’ancien cocontractant, en le privant de la possibilité de continuer à exercer l’activité qu’il avait déjà entreprise au moins de manière accessoire, avant la conclusion du contrat, ce qui ne caractérisait pas la protection d’un intérêt légitime ».

La Cour de cassation confirme ainsi la solution rendue par les juges du fond, reprenant ainsi une solution déjà énoncée par le passé, dans un arrêt rendu le 9 juillet 2002, notamment :

« Attendu qu’en se déterminant par ces seuls motifs, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions des frères X…, si la clause de non-concurrence, qui portait sur les produits pétroliers et leurs dérivés, était disproportionnée par rapport à l’objet du contrat de mandat qui ne concernait que la vente de « fuel domestique et de gazoil » et ne les empêchait pas d’exercer leur activité professionnelle, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision  » (Com., 9 juill. 2002, n° 00-18.311).

Cet arrêt peut servir de piqûre de rappel aux professionnels quant à l’importance d’apporter un grand soin à la rédaction des clauses de non-concurrence. Se contenter d’une clause vague, dépourvue d’indications précises, ne peut qu’exposer les cocontractants à un contentieux lourd et onéreux.