Détective privé et droit au respect à la vie privée

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Les litiges en droit de la famille ou des assurances, pour ne citer qu’eux, sont régulièrement l’occasion d’une confrontation entre deux droits fondamentaux : les droits de la défense, et donc celui de se ménager la preuve de ce que l’on prétend, et le droit au respect de la vie privée.

Le recours à des détectives privés donne souvent lieu à un débat sur l’intrusion dans la vie privée de celui contre qui l’enquête a été menée.

La Cour de cassation dans un arrêt rendu le 22 septembre 2016 (pourvoi n°15-24.015) est venue préciser une des hypothèses où le recours à un détective privé se heurte au droit au respect à la vie privée.

 

Détective privé : retour sur une affaire

 

Dans cette affaire, une compagnie d’assurance avait diligenté un détecteur privé afin de s’assurer de la réalité des dommages subis par un adolescent victime d’un accident de la route.

L’adolescent et sa mère avaient agi à l’encontre de l’assureur pour atteinte à leur vie privée.

Condamné, l’assureur avait porté son cas devant la plus haute juridiction française, la Cour de cassation.

L’assureur soutenait qu’il n’y avait pas atteinte à la vie privée pour les raisons suivantes :

 

  • Seuls des fait anodins de la vie privée de la famille étaient repris au sein du rapport ;
  • Ces faits étaient observés depuis la voie publique ;
  • Les atteintes à la vie privée pouvaient être justifiées étant donné qu’elles étaient proportionnées aux intérêts en présence.

 

La Cour de cassation n’a pas suivi ces développements, et a rejeté le pourvoi en approuvant la solution rendue par les premiers juges.

Elle rappelle que :

« les opérations de surveillance et de filature menées par les enquêteurs mandatés par l’assureur étaient, par elles-mêmes, de nature à porter atteinte à la vie privée » de l’adolescent et de sa mère.

 

Elle ajoute que les juges du fond avaient à raison jugé que l’atteinte portée à la vie privée était disproportionnée par rapport aux intérêts en présence :

« les opérations de surveillance avaient concerné l’intérieur du domicile, les enquêteurs avaient procédé à la description physique et à une tentative d’identification des personnes s’y présentant et les déplacements [de la famille] avaient été précisément rapportés ».

Cet arrêt s’inscrit dans une évolution jurisprudentielle sévère du droit de la preuve, où le droit de se ménager la preuve se heurte au droit au respect à la vie privée et à un contrôle strict de proportionnalité de la mesure d’investigation par rapport aux intérêts en présence.

Il semble que le fait de surveiller une personne au sein de son domicile, même depuis la voie publique, soit une limite à ne pas franchir pour les juges.

En effet, dans une précédente décision il avait été jugé que :

« Les atteintes portées à la vie privée d’un assuré, suivi et filmé sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public, sans provocation aucune à s’y rendre, et relatives aux seules mobilités et autonomie de l’intéressé, ne sont pas disproportionnés au regard de la nécessaire et légitime préservation des droits de l’assureur et des intérêts de la collectivité des assurés ». (Civ. 1ère, 31 octobre 2012, Bull civ. I, n°224).

Il en ressort que la proportionnalité est une notion volatile aux contours imprécis et indéfinis. Elle fait l’objet d’une évaluation au cas par cas par les magistrats.

Le risque est dès lors toujours présent de voir rejeter des éléments de preuve obtenus par le biais d’une enquête privée.

Cette décision doit ainsi servir de guide aux détectives privés, le manuel de la bonne enquête se précisant au fil des arrêts. D’autres arrêts ne manqueront pas de venir compléter par petites touches l’encadrement du si délicat recours à un détective privé.