Droit de la consommation tour d’horizon rapide

Ce tour d’horizon de l’année 2018 relatif au droit de la consommation a pour but d’apporter quelques informations importantes que nécessitent les dernières décisions législatives et surtout jurisprudentielles ayant marqué cette période.  On notera dans ce panorama 2018, l’apport substantiel de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) qui dans une parfaite synergie avec la Cour de la cour de cassation et des autres juridictions nationales apportent des réponses souvent délicates mais utiles à la compréhension des affaires traitées.

Il en va ainsi du domaine d’application du droit de la consommation dans lequel ces hautes juridictions se penchent sur l’épineuse question de la qualification de consommateur ou de professionnel (1). Elles ont profité de cette occasion pour se prononcer sur d’autres thématiques aussi instructives à savoir l’information des consommateurs et des pratiques commerciales (2), la formation et l’exécution des contrats (3), les contrats de crédit et de surendettement (4).

 

1) Qualification de consommateur ou de professionnel : concordance parfaite entre les jurisprudences de la Cour de cassation et les jurisprudences de la CJUE

Même si les définitions figurent dans les textes de loi, les notions de consommateur et de professionnel continuent à être précisées par la jurisprudence. Trois décisions rendues par la Cour de cassation et parfaitement approuvées par la Cour de Justice de l’Union européenne montrent que l’appréciation de ces notions dépend des circonstances qui entourent la conclusion de l’acte.

Dans les deux premières décisions (CIV. 1ère, 21 mai 2018, n°16-10.342 ; 3 mai 2018, n°16-28.682), un contractant avait conclu un crédit pour l’achat d’appartements, en vue de leur location. Afin de déterminer sa véritable qualité, la haute juridiction préconise de rechercher si le contractant n’a pas agi dans le cadre d’une activité professionnelle, fut elle accessoire. Elle en déduit que le contractant a la qualité de professionnelle s’il est inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur en meublé professionnel et s’il a déjà procédé à des opérations similaires.

Mais une autre décision de la Cour de cassation de la même année rendue quelques mois plus tard est venue remettre en cause cette solution en admettant qu’il ne suffit pas de constater que le contractant n’est pas inscrit au RCS pour le qualifier de consommateur (Civ. 1ère, 6 juin 2018, n°17-16.519).

Ce raisonnement est validé par la Cour de Justice de l’Union Européenne à travers trois décisions fort remarquées. C’est ainsi que dans une décision en date du 4 octobre 2018 (CJUE, 5è ch., 4 oct. 2018, aff. C-105/17, Kamenova), la haute juridiction européenne qui s’adressant à une juridiction de renvoi invitait cette dernière à adopter un raisonnement au cas par cas en prenant en considération toutes les circonstances pertinentes » afin de déterminer si une personne qui publie sur un site internet des annonces a la qualité de professionnel.

Dans une autre affaire (CJUE, 5è ch., 17 mai 2018, aff. C-14/16, De Grote), répondant à la question de savoir si un établissement d’enseignement libre mais bénéficiant de subventions publiques pouvait être qualifié de professionnel et ainsi soumis à la législation sur les clauses abusives, la CJUE a répondu positivement en affirmant que le contrat en cause était un contrat de crédit, ce qui constitue une prestation complémentaire et accessoire de l’activité d’enseignement. En revanche, la solution aurait été différente en présence d’un contrat d’enseignement conclu directement à titre principal.

Cette solution jurisprudentielle montre que derrière la qualité de consommateur protégé, se cache bien souvent un petit professionnel qui souhaite aussi bénéficier des dispositions favorables du droit de la consommation.

Une décision de la Cour de cassation rendue récemment en matière de contrats conclus hors établissement est allée dans ce sens en précisant qu’un professionnel bénéficie des dispositions protectrices du consommateur, s’il n’emploie pas plus de cinq salariés et si l’objet du contrat n’entre pas dans le champ de son activité principale (art. L. 221-3 c. consom). Ce critère de qualification bien que légal relève à raison de son appréciation factuelle du pouvoir souverain des juges du fond. Ainsi, les juges européens ont estimé qu’en matière de contrat hors établissement, la communication et la publicité via un site internet n’entraient pas dans le champ de l’activité principale d’une architecte (Civ. 1ère, 12 sept. 2018, n°17-17-17.319).

Quelques mois auparavant, la CJUE avait jugé qu’un utilisateur privé ne perd pas sa qualité de consommateur « lorsqu’il publie des livres, donne des conférences, exploite des sites internet, collecte des dons et se fait céder les droits de nombreux consommateurs afin de faire valoir ces droits en justice » (CJUE, 3è ch., 25 janv. 2018, aff. C-498/16).

 

2) L’obligation d’information des consommateurs et pratiques commerciales

S’agissant de l’obligation d’information du consommateur, une décision du tribunal d’instance de Paris (TI Paris, 8 février 2018, n°11-17-000190) a servi de repère pour préciser le contenu de cette obligation d’information du consommateur qui dans le jugement cité n’était pas vraiment visé. Aussi, les juges précisent-ils que l’information participe d’un devoir de loyauté édicté par la loi sur la République numérique et c’est ce manquement en l’espèce qui a été sanctionné. Dans l’affaire jugée, le tribunal était saisi des opérations tripartites dans lesquelles l’un des enjeux majeurs était la protection du consommateur. Ainsi a-t-il conclu que lorsque les relations de consommation collaborative se nouent grâce à un contrat de consommation d’intermédiation conclu entre un opérateur de plateforme professionnel et un consommateur ou un non-professionnel, l’obligation d’information à l’égard du consommateur doit être respectée.

Concernant les pratiques commerciales, ce sont les questions des liens étroits entre pratiques trompeuses et information du consommateur qui ont occupé tant la jurisprudence de la Cour de cassation que celle de la Cour Européenne.

Dans la première affaire, la chambre criminelle a été saisie par des prévenus poursuivis pour des pratiques trompeuses relatives à des sirops pour nourrissons. Il leur était reproché de s’être donnés à des allégations fallacieuses sur des qualités particulières, les sirops étant présentés comme sources de vitamines et minéraux.

De tels comportements ou allégations fallacieuses sont sanctionnés par le règlement européen (règlement CE 1924/2006), relatif aux allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires dès lors qu’un seuil quantitatif relatif aux composants annoncés n’est pas atteint, ce qui était le cas dans l’espèce en présence.

Par ailleurs, le délit sanctionné dans cette affaire est également puni par le code de la consommation qui le considère comme constitutif d’une pratique trompeuse. En effet, les allégations trompeuses portaient sur l’un des éléments visés par l’article L.121-2 du code de la consommation alinéa 1, relatif aux caractéristiques essentielles du bien et notamment sa composition et les résultats qui en sont attendus. Dès lors au regard de ce texte de loi, le code de la consommation était applicable.

Dans la seconde affaire, une société productrice d’aspirateurs sans sacs avait saisi la cour pour pratique déloyale de la part de producteurs d’aspirateurs à sacs dont les résultats énergétiques étaient fondés sur des tests pratiqués sur des sacs vides et selon la demanderesse cette manière de faire était susceptible de fausser les résultats et d’induire les consommateurs en erreur. Or la procédure de présentation de ces résultats obéissait à un formalisme strict imposé par les lois européennes.

Pour cette raison, la Cour écartait la déloyauté alléguée en raison justement du strict formalisme imposé par le règlement délégué qui ne permet pas aux producteurs de préciser les conditions de réalisation du test énergétique.

Dans la troisième affaire (CJUE, 2è ch., 13 sept. 2018, aff. C-54/17), la problématique abordée était celle du rapport entre la déloyauté d’une pratique et l’absence d’information des consommateurs. En cela, la CJUE était invitée à se prononcer sur l’articulation de la directive 2002/21/CE sur les réseaux et services de communications électroniques avec la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales. La saisine de la Cour avait un enjeu particulier pour les consommateurs car la non application de cette directive laissait toute liberté aux sociétés de téléphonie mobile d’éviter les sanctions en cas de fourniture non demandée de services par le client. De manière plus précise, les sociétés de téléphonie pouvaient facturer des services pourtant non demandés par le consommateur et échapper à toute condamnation.

La difficulté posée était que la directive 2002/21/CE citée ne prévoyait ni une harmonisation complète des aspects relatifs à la protection des consommateurs, ni ne contenait de dispositions entrant en conflit avec la directive 2005/29/CE., dont la directive 2002/21/CE n’écarte du reste pas l’application puisque ses dispositions s’appliquent sans préjudice de la réglementation de l’Union relative à la protection des consommateurs, ni de la réglementation nationale conforme à la législation de l’Union.

La solution retenue par la Cour est que les pratiques en cause à savoir la pré-installation et pré-activation de l’accès à internet et à la messagerie vocale, tombent dans son champ d’application et que le défaut d’information préalable et adéquate du consommateur sur leur existence et les coûts qu’elles engendrent constitue une fourniture non demandée donc une pratique commerciale déloyale.

Une autre précision a été apportée par la Cour Européenne en matière de numéros téléphoniques surtaxés lesquels sont visés à l’article L.121-16 du code de la consommation qui transpose en fait la directive 2011/83/UE sur les droits des consommateurs, et plus précisément son article 21). Les appels téléphoniques surtaxés sont les appels dont le coût excède celui d’un appel à destination d’une ligne de téléphone fixe géographique ou mobile standard (CJUE 7 mars 2017, aff. C-568/15, ZBW).

Sur cette question, la CJUE souligne qu’il est désormais interdit au professionnel de proposer à sa clientèle d’autres numéros que celui non surtaxé pour le contacter au sujet du contrat conclu. Il en résulte que le fait pour un professionnel de proposer des numéros non surtaxés autre que celui communiqué au client pour appeler l’opérateur serait perçu comme une pratique commerciale déloyale.

 

3) La jurisprudence en matière de formation et d’exécution des contrats

Dans cette partie, il sera abordé les points essentiels sur la jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour Européenne sur lesquels elles ont eu à apporter des éclairages.

Les clauses abusives

S’agissant des clauses abusives, la jurisprudence retient plusieurs critères constitutifs d’abus.

D’abord l’abus peut résulter du domaine d’application quant au professionnel débiteur de la protection (CJUE, 5è ch., 17 mai 2018, aff. C-147/16). Autrement dit, la qualité de professionnel est prise en compte pour l’appréciation de l’abus lors de la formation et de l’exécution du contrat. Ensuite, l’abus peut résulter d’un déséquilibre significatif et il revient à la Cour d’interpréter la notion de déséquilibre.

Toutefois, le juge national garde tout de même son pouvoir pour se prononcer sur la qualification concrète de la clause en fonction de son contexte.

La Cour de justice enjoint d’apprécier le déséquilibre significatif par comparaison aux règles supplétives (CJUE 14 mars 2013, aff. C-415/11, Aziz c/CatalunyacaÏxa).

Or et afin de mettre fin à la divergence constatée au niveau de l’interprétation des règles relatives aux clauses abusives, une Cour suprême espagnole, se référant à l’arrêt de la CJUE précitée (arrêt AZIZ) a posé le principe de l’uniformisation des règles d’interprétation des clauses abusives. En effet, la jurisprudence espagnole avait exigé de juger abusive une clause d’intérêts moratoires non négociée au motif que, par son taux, elle imposait au consommateur une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé, par rapport au taux d’intérêt généralement prévu dans les contrats de prêts négociés.

Cette uniformisation privait en quelque sorte le juge d’une appréciation concrète des faits, mais la CJUE a estimé que cette jurisprudence nationale était parfaitement compatible avec la directive 93/13/CEE.

Craignant un éparpillement quant aux règles d’interprétation, la CJUE érige ainsi la jurisprudence nationale au rang d’un « référentiel » dans l’appréciation de l’abus, notamment parce qu’en matière de clauses abusives, l’élaboration d’une jurisprudence uniforme à des fins de sécurité juridique peut éviter la survenance d’un déséquilibre au détriment des consommateurs.

La position de la Cour de cassation gardienne de l’interprétation de la loi uniforme est beaucoup plus nuancée en la matière. Dans deux décisions concernant la clause du contrat de prêt autorisant la banque à prononcer la déchéance du terme en cas de déclaration inexacte de l’emprunteur, elle a laissé entendre que la clause est abusive (Civ. 1ère, 10 oct. 2018,n°17-20.441) ou valable (Civ. 1ère,28 nov. 2018,n°17-21.625) selon que l’établissement dispose d’un pouvoir discrétionnaire, sans contestation possible devant le juge pour apprécier la faute du consommateur.

Par ailleurs, le défaut de réciprocité reste aussi un critère de l’appréciation de la clause abusive. Ainsi en a décidé la Cour de cassation dans les affaires  Helvet Immo. Elle a en effet exigé que les juges du fond  recherchent d’office si la clause sur la devise suisse n’avait pas pour effet de faire peser le risque de change exclusivement sur l’emprunteur (Civ. 1ère, 16 mai, n°17-11.337). La position de la Cour de cassation est donc d’inviter les juges du fond à déceler tout déséquilibre significatif constaté, celui-ci pouvant par exemple résulter du fait que la clause n’ait pas définit  l’objet du contrat soit si c’était le cas, qu’elle n'ait pas été rédigée en de termes clairs et compréhensibles.

Dans l’affaire des devises suisses précitée, la CJUE a adopté une interprétation extensive et cette large interprétation implique selon la cour qu’un « consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement avoir la conscience de la possibilité de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été libellé, mais aussi évaluer les conséquences économiques potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières » (CJUE 20 sept. 2018, aff. C-51/17).

Cette position de la CJUE est en adéquation avec la Cour de cassation comme cela ressort de l’arrêt du 3 mai 2018 (Civ. 1ère, 3 mai 2018, n°17-13.593)

L’analyse des différentes affaires citées montrent que la détection de l’abus peut provenir de plusieurs sources. Celles-ci pouvant aller du comportement du professionnel, aux conditions générales du contrat comme l’atteste un jugement du TGI de Paris dans l’affaire Twitter (TGI Paris, 7 août 2018, n°14/07300).

Lorsque l’abus est caractérisé, il doit être sanctionné. À ce titre, la cour de justice a rappelé, à l’occasion d’une affaire concernant la protection juridictionnelle de consommateurs hongrois ayant souscrit des prêts en devise étrangère, que le constat d’une clause abusive doit permettre de rétablir la situation en droit et en fait qui aurait été celle du consommateur en l’absence de clauses abusives (CJUE, 2è ch.,31 mai 2018 ; aff. C-483/16, Zsolt Sziber).

La présomption qui entoure la clause abusive est une présomption simple telle que le prévoit en droit français l’article R.212-2, alinéa 100 du code de la consommation qui oblige le consommateur « à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges ».  Mais cette présomption simple peut poser problème si elle est méconnue par le juge. Ainsi devant un tribunal d’instance, un professionnel avait soulevé une fin de non-recevoir liée à la présence d’une clause de médiation préalable obligatoire dans un contrat de consommation. Les premiers juges avaient considéré cette clause abusive et ont donc rejeté l’exception.

Devant la cour d’appel, les magistrats ont donné gain de cause à l’appelant en considérant que la neutralité de l’instance  de médiation, la gratuité et l’absence d’entrave de recours au juge, exemptaient la cause de l’abus.

Mais cette décision de la Cour d’appel fut cassée par la haute juridiction qui justifie précisément sa cassation par l’existence d’une présomption simple d’abus frappant désormais cette stipulation pour violation de l’article R.212-2,10 °, au motif que « la clause qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à apporter la preuve contraire ». (Civ. 1ère, 16 mai 2018, n°17-16.197)

Selon donc la Cour de cassation, la clause de médiation préalable est une clause qui oblige le consommateur à passer exclusivement par un mode alternatif de litiges (R. 212-2, 100 code de consommation).

Toutefois cette position de la Cour de cassation est loin de dissiper le malaise qui entoure les clauses abusives étant donné que depuis la transposition de la directive  2013/11/UE relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, la clause de médiation préalable obligatoire est désormais interdite (art. L.642-4 c. consom) en plus d’être présumée abusive de façon simple.

À l’évidence cette situation risque d’être difficile pour les praticiens car comment concilier ces deux sanctions diamétralement opposées ? Et surtout que la preuve contraire rapportée par le professionnel à la présomption simple rend la clause à postériori valable, alors même qu’elle est illicite en application de l’article L.612-4 cité.

 

Les arrhes et acomptes

Les  arrhes et acomptes sont prévus par l’article L 214-1 du code de la consommation lequel prévoit une présomption simple de qualifications d’arrhes des paiements partiels réalisés par le consommateur avant l’exécution d’un contrat de consommation.

Une juridiction de proximité à propos de l’inexécution d’une prestation de cure thermale avait écarté la présomption simple faute de stipulation énonçant clairement l’existence d’une faculté de dédit.

La Cour de cassation a cassé cette décision estimant que l’article L.114-1 cité est une disposition supplétive qui s’applique sauf renonciation (CIV. 1ere, 12 sept. 2018, n° 17-22.263).

La conséquence de cette décision d’ailleurs favorable au professionnel, est que contrairement à celle des premiers juges, elle fait obligation en application du code de la consommation de restituer le double de la somme versée à titre d’arrhes. Or dans cette affaire, le premier juge, avait considéré qu’il s’agissait d’un acompte donc restituable en cas de résolution du contrat, ce dernier s’était placé sur le terrain du droit commun de la responsabilité contractuelle pour sanctionner l’inexécution de la prestation payée partiellement et évaluer les dommages-intérêts à un montant qui était de 1200 euros.

 

L’obligation de conformité au contrat

Dans ce domaine, la jurisprudence de la Cour de Justice Européenne et celle de la Cour de cassation se sont accordées à propos d’une affaire relative à la défectuosité d’un bien après la délivrance de celui-ci. Se basant sur l’article L.217-7 du code de la consommation selon lequel « les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance sauf preuve contraire », un juge d’appel a accordé la résolution d’un contrat à un consommateur qui n’avait pas été satisfait de la réparation du bien défectueux qu’il avait auparavant dénoncé et pris en charge par le vendeur. La juridiction d’appel a fondé sa décision sur le motif que le vendeur n’avait pas démontré l’inexistence du défaut.

La Cour de cassation ne partageait pas cet avis qui au contraire a considéré que la présomption en cause portait uniquement sur la date de survenance du défaut de conformité et non sur l’existence du défaut lui-même. Cette décision de la Cour de cassation s’inscrivait ainsi dans la droite ligne de l’arrêt de la CJUE (CJUE, 4 juin 2015, aff. C-497/13, aff. faber).

Un arrêt de la même chambre de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 6 juin 2018, n°17-10.553) avait refusé sur le terrain de la garantie légale de conformité une action directe du consommateur à l’égard de l’importateur d’un véhicule.

Pourtant cette décision cadrait bien avec la directive 99/44 CE laquelle ne prévoit  d’action qu’à l’égard du vendeur dont elle distingue clairement l’importateur du véhicule, qu’elle assimile au producteur.

 

La prescription

En matière de prescription, la Cour de cassation a apporté une précision sur le silence gardé par l’article L.218-2 du code de la consommation lequel ne précise pas sur le point de départ de la prescription de deux ans de l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs.

Ainsi s’agissant des travaux, la Cour de cassation (Civ.1ère, 3 juin 2015, n°14-10.908) a jugé que c’est le jour de l’établissement de la facture qui marque le point de départ de la prescription.

S’agissant de la fixation des honoraires d’avocat, il se situe au jour de la fin du mandat (Civ. 2è, 4 oct 2018, n°17-20.508).

 

 Les règles applicables aux contrats conclus à distance et hors établissement

Dans cette partie, la question de l’extension du droit de rétraction aux commerces électroniques a été abordée par les deux ordres juridiques. Alors que le législateur européen admet le droit de rétraction  dans les contrats de prestations de services dont l’exécution  avait commencé avec l’accord du consommateur avant l’expiration du délai de quatorze jours , la question était de savoir si ce droit de rétractation devrait être étendu aux contrats électroniques surtout qu’en cas de rétractation, le consommateur doit rembourser au professionnel les sommes correspondant à l’exécution partielle du service (Dir. 2011/83/UE, art. L. 221-25 c. consom).

Ainsi à propos d’un contrat de vente d’automobiles, un vendeur avait fait signer au client une clause par laquelle ce dernier donnait son accord pour une exécution immédiate des prestations de services.

Le consommateur client s’étant rétracté de l’achat du véhicule, le vendeur refusait de rembourser l’acompte versé par ce dernier en se fondant sur l’article L.221-25 du code de la consommation.

Les juges de la Cour de cassation ont jugé que le contrat n’avait porté que sur la vente d’une automobile de sorte qu’il ne constituait pas un contrat d’entreprise entrant dans les prévisions de l’article L.221-25 (Civ. 1ère, 17 janv. 2018, n°17-10.255).

 

4) Contrats de crédit et de surendettement

Contrats de crédit

Dans cette partie, quatre décisions de la Cour de cassation sont à relever.

La première affaire avait trait à la possibilité de qualification de contrat de crédit la vente d’un téléphone mobile lié à un abonnement à prix majoré. Selon les faits, un consommateur avait la possibilité de choisir soit un abonnement prix Eco sans achat d’un mobile ou avec achat d’un mobile à un prix de référence soit un forfait carré avec acquisition d’un mobile à un prix attractif mais avec un abonnement un peu plus cher chaque mois.

La Cour d’appel de Paris avait refusé de qualifier la « formule carré » de contrat à crédit.

La Cour de cassation ne partagea pas cet avis et cassa l’arrêt en reprochant aux juges du fond de s’être déterminé « par des motifs impropres à exclure la qualification d’opération de crédit ». Cette décision est logique car les trois éléments qui caractérisent une opération de crédit sont ici réunis à savoir une avance (le transfert de propriété du mobile dès la souscription de l’abonnement, malgré le paiement d’un prix seulement symbolique), une restitution (le paiement d’une majoration d’abonnement par rapport à la formule « prix Eco » et un laps de temps entre les deux (la durée de l’abonnement).

Cette jurisprudence est d’un intérêt majeur pour le consommateur en ce sens qu’elle lui permet de bénéficier d’un droit de rétractation qui commence à courir au jour de l’acceptation de l’offre comprenant toutes les informations précontractuelles à la charge du prêteur (art. L. 312-19 c. consom).

La deuxième concerne les contrats de crédit assortis d’un contrat d’assurance.

Dans une espèce, des emprunteurs avaient souscrit un prêt immobilier puis un prêt à la consommation auprès d’une banque et avaient adhéré au contrat d’assurance de groupe proposé par l’établissement prêteur. Lors de la conclusion de ces contrats, la banque avait simplement remis aux emprunteurs les conditions générales et particulières du contrat d’assurance.

Pour les juges du fond, la communication de ce document suffisait à l’exécution de son obligation d’information par le prêteur. Cette décision fut tout logiquement cassée (Civ. 1ère, 5 avr. 2018, n°13-27.063).

D’après la haute juridiction, le souscripteur d’une assurance de groupe ne s’acquitte de son obligation d’information à l’égard de l’adhérent qu’en annexant au contrat de prêt une notice spécifique définissant de façon claire et précise les risques garantis et les modalités de mise en jeu de l’assurance ».

Cette jurisprudence est conforme aux articles L.312-29 et L.313-29 du code de la consommation en ce qu’elle se montre extrêmement exigeante à l’égard des souscripteurs d’assurance en matière d’information des emprunteurs.

 

Surendettement

Dans cette partie, deux affaires ont particulièrement retenu l’attention de la Cour de cassation.

 La première (Cass civ.2è sept.2018, 17-22.013) avait trait à un cas hyper intéressant en raison de son aspect très pratique notamment pour les avocats conseils. En effet, une Cour d’appel avait refusé le bénéfice de la procédure de surendettement à un particulier au motif que celui-ci exerçait son activité professionnelle sur la forme d’une EIRL.

Tout logiquement cette décision fut censurée par la Cour de cassation sur la base deux arguments bien motivés.

D’abord, elle relève sur la base de l’article L.711-7 du code de la consommation que l’EIRL peut bénéficier de la procédure de surendettement, le droit du surendettement s’appliquant alors à la situation résultant uniquement des dettes non professionnelles.

Ensuite, la haute juridiction a écarté l’argument avancé par les juges d’appel. En effet, ces derniers reprochaient à l’entrepreneur d’avoir fait preuve de mauvaise foi en n’ayant pas déclaré ses biens en l’espèce deux mobil homes qui selon eux avaient vocation à être loués dans le cadre de l’EIRL. Un tel raisonnement ne pouvait prospérer car selon la Cour de cassation et faisant en cela l’application de l’article L.711-7 du code de la consommation, seul le patrimoine non affecté doit être pris en compte pour apprécier si l’entrepreneur individuel peut bénéficier du surendettement. Autrement dit, les juges d’appel auraient dû rechercher si les deux mobiles homes n’étaient pas affectés au patrimoine professionnel.

À travers cette décision, on constate tout l’intérêt de l’EIRL pour le particulier qui décide d’exercer sous cette forme. Mais il faut dès le début de l’activité bien déclarer et distinguer les biens qui sont affectés au patrimoine professionnel de ceux qui sont logés dans le patrimoine personnel. Car s’il ne le fait pas, l’entrepreneur court le risque de se voir appliquer le droit très autoritaire et contraignant des procédures collectives si les conditions du surendettement ne sont pas réunies à son égard.

L’avocat saisi d’une affaire similaire, devra toujours vérifier le contenu des registres sur lesquels sont effectuées les déclarations afin de savoir si les biens affectés par son client sont effectivement utilisés pour l’exercice de son acticité professionnelle.

Dans la deuxième affaire (CIV, 1ère, 14 févr. 2018, n°16-25.744) la question qui s’est posée à la Cour de cassation était celle de savoir si des époux débiteurs d’une dette fiscale qui faisait l’objet d’un recouvrement par voie de saisie des rémunérations pouvaient être éligibles à la procédure de surendettement.

Le tribunal d’instance leur avait refusé le droit au bénéfice du surendettement estimant que la condition posée à l’article L. 711-1, al.2 du code de la consommation n’était pas remplie. Pour rappel, selon ce texte, pour être éligible à la procédure de surendettement, le particulier doit être dans « l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir ».

Le jugement avait fait une mauvaise lecture du texte de loi cité en considérant que les époux pouvaient faire face à leurs dettes car selon les juges celles-ci dettes pouvaient être réglées par la procédure de saisie et il leur resterait la portion non saisissable du salaire pour vivre.

Un tel raisonnement est erroné car selon la Cour de cassation, pour apprécier si le particulier peut bénéficier du surendettement, doivent être prises en compte les dettes exigibles ou à échoir. Or en l’espèce la dette fiscale était bien exigible, la saisie rémunération n’ayant nullement entrainé un rééchelonnement de la dette.

On terminera ce point consacré au surendettement sur une espèce relative à l’expulsion d’un locataire. En effet, compte tenu de sa situation d’impayé, il était menacé d’expulsion, il avait donc saisi une juridiction d’instance afin d’obtenir une suspension provisoire des mesures d’expulsion. Sa demande fut acceptée par le tribunal mais ce dernier avait limitée la durée de cette suspension à un an à compter de la signification.

Ce jugement a été écarté par la Cour de cassation (Civ. 2è, 18 oct. 2018, n°17-19.831) qui sur le fondement de l’article L.722-9 du code de la consommation a jugé que le juge n’avait pas le pouvoir de moduler la durée de la suspension prévue par ce texte. Or le texte cité prévoit une durée maximale de deux ans.

Le locataire avait donc droit à une durée maximale de deux ans.

Aurelie Segonne-Morand