Fin de vie : L’intervention du Conseil constitutionnel

Fin de vie : L’intervention du Conseil constitutionnel

Le traitement de la fin de vie fait régulièrement l’objet de débats et procédures judiciaires, notamment avec l’affaire très médiatisée de M. Vincent LAMBERT.

Par une question prioritaire de constitutionnalité qui a abouti à la décision n°2017-632 du 2 juin 2017, le Conseil constitutionnel a été saisi d’une demande relative à la loi n°2016-87 du 2 février 2016, dite loi Claeys-Léonetti.

Cette loi pose le principe selon lequel « toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté ». 

Modification de la loi et nouvelles dispositions

La loi inclut modifications et nouvelles dispositions, à savoir de manière non exhaustive :

  • L’article L1110-5-1 du Code de la santé publique selon lequel :

« Les actes mentionnés à l’article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté, à l’issue d’une procédure collégiale définie par voie réglementaire.

La nutrition et l’hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés conformément au premier alinéa du présent article.

Lorsque les actes mentionnés aux deux premiers alinéas du présent article sont suspendus ou ne sont pas entrepris, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l’article L. 1110-10. »

Cette disposition précise ainsi le droit au refus à une obstination déraisonnable qui avait été introduit par la première loi Léonetti du 22 avril 2005.

Ainsi, le médecin ne doit pas poursuivre des actes inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le maintien artificiel de la vie. La volonté du patient sur la suspension ou le refus de ce soin prime. A défaut de possibilité d’exprimer sa volonté, une procédure collégiale sera mise en œuvre.

 

  • L’article L. 1110-5-2.du Code de la santé publique qui précise :

« A la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants :
1° Lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements ;
2° Lorsque la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable.

Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et, au titre du refus de l’obstination déraisonnable mentionnée à l’article L. 1110-5-1, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie.
La sédation profonde et continue associée à une analgésie prévue au présent article est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par voie réglementaire qui permet à l’équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d’application prévues aux alinéas précédents sont remplies.

A la demande du patient, la sédation profonde et continue peut être mise en œuvre à son domicile, dans un établissement de santé ou un établissement mentionné au 6° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles.
L’ensemble de la procédure suivie est inscrite au dossier médical du patient
. »

Cette disposition porte ainsi sur le droit à une sédation profonde et continue corrélative à un arrêt des traitements de maintien en vie.

 

  • L’article L1111-4 du Code de la santé publique consacre le droit au refus de soins par le malade et la primauté de son choix, y compris lorsqu’il est hors d’état de manifester sa volonté.

L’association à l’origine de la QPC contestait ces dispositions en leur reprochant un défaut de garantie légal et la méconnaissance du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine découlant du droit à la vie.

Plus précisément, les demandes portaient sur la procédure collégiale mise en œuvre lorsque le patient est dans l’incapacité de manifester sa volonté. Cette dernière n’est pas contraignante vis-à-vis du médecin, qui décide seul de l’arrêt des traitements.

 

Le Conseil constitutionnel a rejeté l’argumentaire de la QPC, pour les motifs suivants :

  • Le médecin est dans l’obligation de solliciter l’avis de son patient et de respecter les directives anticipées de ce dernier, sauf exception. A défaut de directives anticipées, il consulte la personne de confiance désignée ou les proches.
  • La procédure collégiale a pour objectif de vérifier le respect des conditions légales et médicales d’arrêt des soins et d’application de la sédation profonde et continue. Cet avis est destiné à éclairer la décision du médecin.
  • Le juge a un pouvoir de contrôle sur la décision du médecin et son appréciation de la volonté du patient.

Conseil constitutionnel a par conséquent confirmé la validité des dispositions contestées estimant qu’elles étaient assorties de garanties suffisantes.

Le Conseil constitutionnel a émis une réserve s’agissant de la contestation de l’existence d’un droit à un recours juridictionnel effectif, soulevé par l’auteur de la QPC.

Il énonce ainsi que :

« S’agissant d’une décision d’arrêt ou de limitation de traitements de maintien en vie conduisant au décès d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que cette décision soit notifiée aux personnes auprès desquelles le médecin s’est enquis de la volonté du patient, dans des conditions leur permettant d’exercer un recours en temps utile. Ce recours doit par ailleurs pouvoir être examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente aux fins d’obtenir la suspension éventuelle de la décision contestée. Sous ces réserves, le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté. »

Mais la doctrine[1] critique l’exigence d’une notification, imprécise, du Conseil constitutionnel et appelle notamment de ses vœux une intervention du législateur pour en préciser les contours (modalités, définition des destinataires de la notification).

Nul doute qu’après les débats extrêmement animés ayant égrenés la récente loi, une telle intervention ne sera pas immédiate.

[1] « Avis de mort imminente d’un proche par lettre recommandée », Annick Batteur, D. 2017, p.1307