FRAIS PROFESSIONNELS ABATTEMENT 10%

L’ABATTEMENT FORFAITAIRE DE 10% POUR FRAIS PROFESSIONNELS

La nécessaire information des salariés

Dans une affaire tranchée par le Conseil de Prud’hommes de BOURGOIN-JALLIEU le 26 décembre 2017 (n° RG 17/00144, Section Industrie), a été posée la question des conditions dans lesquelles un employeur peut prévoir pour ses salariés une déductibilité de 10% pour frais professionnels.

Selon l’argumentaire exposé par le salarié, il appartenait à la société de recueillir préalablement son accord. Celui-ci se plaignait d’avoir découvert cet abattement lors de son arrêt maladie, percevant des indemnités journalières d’un montant réduit.

 

  1. Rappel des règles de droit applicables

Selon les dispositions de l’article 5 de l’annexe IV du Code Général des Impôts, les Ouvriers du Bâtiment et des Travaux Publics non sédentaires, ainsi que les ETAM et Cadres travaillant habituellement sur chantier, peuvent bénéficier d’une déduction forfaitaire pour frais professionnels ; à savoir un abattement de 10%.

Le bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels est lié à l’activité professionnelle du salarié et non à l’activité générale de l’entreprise. Lorsqu’un salarié exerce plusieurs professions dont certaines ouvrent droit à la déduction forfaitaire spécifique, il y a lieu de considérer séparément les revenus tirés de chacune des activités et de leur appliquer le régime d’imposition qui leur est propre (Circ. DSS 2003-07 du 7-1-2003 n° 4-1 : BOSS n° 4/03 p. 181, modifiée par circ. DSS 2005-376 du 4-8-2005 : BOSS n° 9/05 p. 215).

Si ce dispositif a pour conséquence de réduire l’assiette de cotisations et donc de diminuer l’assiette servant notamment au calcul des Indemnités Journalières de la Sécurité Sociale et des allocations chômage, il permet dans le même temps au salarié de percevoir un salaire net plus élevé, les montants de charges sociales patronales mais également salariales étant calculés sur un salaire brut abattu de 10%.

Par ailleurs, et s’agissant des conditions d’application de ce dispositif, l’article 9 de l’arrêté du 25 juillet 2005 ayant modifié l’arrêté du 20 décembre 2002 dispose que « l’employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique lorsqu’une convention ou un accord collectif du travail l’a explicitement prévu ou lorsque le Comité d’Entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord.

A défaut, il appartient à chaque salarié d’accepter ou non cette option. Celle-ci peut alors figurer soit dans le contrat de travail ou un avenant au contrat de travail, soit faire l’objet d’une procédure mise en œuvre par l’employeur consistant à informer chaque salarié individuellement par lettre recommandée avec accusé de réception de ce dispositif et de ses conséquences sur la validation de ses droits, accompagné d’un coupon-réponse d’accord ou de refus retourné par le salarié. Lorsque travailleur salarié ou assimilé ne répond pas cette consultation, son silence vaut accord définitif »

 

  1. Application au cas d’espèce
  • L’argumentaire de la société

Le Comité Central d’Entreprises avait donné son accord le 12 décembre 2003 pour la mise en place de ce dispositif.

Il ressortait du Procès-verbal de réunion que le CCE avait été régulièrement consulté sur la mise en œuvre de la déduction forfaitaire pour frais professionnels dans l’entreprise, et d’autre part que le CCE avait émis un avis favorable « pour 2003 et pour les années suivantes ». 

  • Le jugement du Conseil des Prud’hommes

 « Attendu que l’employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique lorsqu’une convention ou un accord collectif du travail l’a explicitement prévu ou lorsque le comité d’entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord,

 En l’espèce,

 Le comité central d’entreprise de … a donné son accord le 12 décembre 2003 pour la mise en place du dispositif de l’article 5 de l’annexe 4 du Code Général des Impôts,

 Que cet avis favorable donné par le comité central d’entreprise entérine le bénéfice d’une déduction forfaitaire pour frais professionnels, soit un abattement de 10 %,

 Ce dispositif de l’article 5 de l’annexe 4 du Code des Impôts mis en place le 12 décembre 2003 était toujours d’application au 15 juin 2016,

 Le Conseil de prud’hommes constatant le réel de la mise en place de ce dispositif regrette que la société ne l’ait pas inclus dans les contrats de travail dans un souci de clarification,

 Qu’en conséquence,

 Le Conseil dira que l’abattement de 10 % sur les frais professionnels a bien été mis en place par la société … en date du 12 décembre 2003 et ce, dans le respect de la procédure, et déboutera Monsieur … de sa demande. »

Il n’a pas été interjeté appel de cette décision.

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Alors que les dispositions de l’arrêté du 20 décembre 2002 ne prévoient de recueillir l’accord de chaque salarié qu’à défaut d’accord collectif de travail ou d’accord des Délégués du personnel, le Conseil a regretté qu’une information n’ait toutefois pas été faite auprès du salarié dès sa mise en place.

Compte tenu des conséquences au quotidien pour le salarié, à savoir la perception d’indemnités journalières de sécurité sociale réduites, l’information des salariés semble en effet nécessaire. Sans remettre en cause ce dispositif, le salarié pourrait solliciter le paiement de dommages et intérêts, pour défaut d’information, ce que dans notre espèce, il n’avait pas demandé mais qu’au regard de la motivation du jugement il aurait dans le cas contraire vraisemblablement pu obtenir.

Jugement CPH BOUGOIN JALLIEU du 26 décembre 2017