L’avènement des objets connectés, entre opportunités et dangers

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A la suite d’une enquête réalisée en février 2016, l’institut Opinion Way a publié un sondage estimant à 44% la part des français ayant le sentiment de plutôt bien connaître les objets connectés. Effectuée sur la base d’un échantillon représentatif de la population française, cette étude témoigne de l’intérêt croissant de la société à l’égard de l’internet des objets. Cependant, malgré leur omniprésence, les objets connectés restent inconnus d’une large partie de la population française. Un éclairage paraît donc nécessaire.

 

Les objets connectés, un aperçu du monde de demain ?

 

Très simplement, les objets connectés renvoient à des produits dont le logiciel permet une connexion au réseau Internet. Dès lors, ces objets sont capables d’échanger des informations avec leur propriétaire, voire même d’échanger entre elles, ils peuvent, aussi, être contrôlées à distance… bref, ces instruments concrétisent tous les miracles quotidiens que le développement de la toile a rendus accessible au grand public.

Avec des estimations oscillant entre 50 et 100 milliards d’ici 2020, les analystes s’accordent sur la croissance exponentielle que connaîtra le nombre d’objets connectés, ce qui n’est pas sans impact sur la vie des consommateurs.

Véritables précurseurs, les smartphones sont les premiers objets connectés ayant véritablement investi notre existence. Cependant, nos terminaux mobiles sont de plus en plus concurrencés par une multitude d’autres produits. Force est de constater, que les formes que prennent désormais ces nouveaux objets témoignent de l’inventivité de leurs concepteurs, au point que fiction futuriste et invention bien réelle paraissent parfois se confondre.

En effet, l’internet des objets, est un marché d’autant plus porteur qu’il concerne des secteurs aussi variés que la sécurité, les loisirs, l’électroménager, la santé et le bien-être ou encore la domotique. C’est-à-dire, l’ensemble des objets connectés participant, à la création d’un habitat intelligent (gestion des luminaires, du chauffage, des volets, des alarmes…).

Ces inventions ont des degrés d’utilité variable et répondent à des besoins très divers : si le moniteur d’activité, inclus dans un bracelet connecté, peut permettre de donner à un coureur diverses informations sur son activité sportive (temps consacré, kilomètres parcourus, vitesse moyenne, signes cardiaques…), d’autres bracelets connectés ont des usages bien moins triviaux. A ce titre, on peut penser au projet de montre Sugar, développé par le BOLTGroup, qui vise à contrôler le niveau de glycémie des personnes diabétiques.

Pour se faire une place sur ce secteur hautement concurrentiel, les entreprises devront redoubler de créativité pour cibler les besoins réels des consommateurs. La courte histoire des objets connectés est déjà émaillée, par plusieurs revers subis par des sociétés ayant tenté l’aventure. La palme de l’échec commercial le plus retentissant revient sans aucun doute au géant Google et à ses célèbres Google Glass, des lunettes connectées censées révolutionner le monde, qui n’ont finalement été commercialisée que quelques mois faute de clients.

Avec un chiffre d’affaire flirtant avec les 4 millions d’euros en 2015, la société française Wistiki commercialise l’objet connecté le plus vendu de France : un simple porte-clés capable de se connecter via le Bluetooth au smartphone de son propriétaire pour lui indiquer où se trouvent ses clés par géolocalisation. Outre sa fonction de porte-clés, l’appareil proposé par la firme tricolore peut répondre à une multitude d’usages. S’appuyant sur une collaboration avec Philippe Starck, la société vend désormais des cartes à insérer dans les portefeuilles des étourdis et des colliers permettant de retrouver un animal perdu.

 

Source incontestable de potentielles violations de la loi

 

A côté des services évidents que pourraient rendre les objets connectés, les gouvernants et la société civile commencent à s’interroger sur les risques potentiels que peut nous faire courir un recours massif à ces instruments. Les campagnes de sensibilisation menées par des associations ou des réseaux, le plus célèbre étant le très médiatisé collectif des Anonymous, semblent effectivement produire une certaine prise de conscience des citoyens quant aux menaces que peut poser une mauvaise utilisation de l’outil technologique.

D’une part, la première série de risques concerne, les données personnelles des individus, susceptibles d’être utilisées par des entreprises peu scrupuleuses à des fins commerciales. Ainsi, un concepteur de logiciel britannique, DoctorBeet, a dévoilé sur son blog éponyme la collecte minutieuse de données à laquelle procédait à son insu son téléviseur LG, communiquant les programmes visionnés afin de lui diffuser des publicités ciblées.

Cette ingérence dans la vie privée des utilisateurs peut même être le fait des pouvoirs publics, comme ce fut le cas dans l’affaire des écoutes de la NSA étatsunienne dénoncée par le lanceur d’alertes Edward Snowden.

En tant qu’accessoire du quotidien des individus, les objets connectés sont concernés au premier chef, tant ils sont susceptibles de livrer les données intimes des individus : de leur rythme cardiaque au nombre d’heures qu’ils passent dans leur domicile en passant par leurs cycles de sommeil, tout est désormais enregistrable et, par conséquent, transférable.

Ces données ont plus ou moins de valeur et celle-ci n’est pas toujours perceptible par le consommateur : à première vue, difficile d’imaginer quelqu’un tirer parti des informations contenues dans une brosse à dents connectée, mais les industriels du secteur dentaire pourraient s’arracher de tels renseignements.

Cependant, sans exagérer ou nier leurs bienfaits potentiels pour les individus, il convient donc, de constater que les objets connectés peuvent se révéler extrêmement nuisibles s’ils servent d’intermédiaire à une utilisation malveillante. Or, rarement conscients de la violation de leur vie privée, les citoyens ont d’autant plus de mal à se défendre. L’incursion prospective de Georges Orwell dans son célèbre ouvrage 1984 se rapproche aujourd’hui, certes avec un certain retard, dangereusement de la réalité…

D’autre part, les objets connectés posent aussi une question sécuritaire absolument centrale. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler les nombreux problèmes liés aux drones : du survol de central nucléaire au simple passage au-dessus du domicile de particuliers, les possibles violations de la loi sont infinies. La créativité des inventeurs des objets connectés pourrait donc s’avérer particulièrement préjudiciable en cas d’usage à mauvais escient.

 

Un cadre juridique réel mais méconnu

 

Paru en avril 2015, l’ouvrage de Thierry Piette-Coudol intitulé Les objets connectés – Sécurité juridique et technique (LexisNexis, coll. Actualité) met en lumière l’attention toute particulière entourant aujourd’hui le droit positif applicable aux objets connectés. De la même manière, le rapport de mai 2014 de la Commission nationale de l’Informatique et de la Liberté (CNIL) relatif au Quantified self, autrement dit l’ensemble des moyens permettant d’auto-mesurer ses performances physiques via l’utilisation d’un objet connecté (par exemple une montre indiquant le nombre de kilomètres parcourus, les calories brulées à cette occasion, le rythme cardiaque, etc.). Le déferlement des objets connectés sur le marché et l’intérêt croissant des consommateurs pour ceux-ci interrogent la manière dont le droit appréhende ces innovations et, surtout, pose la question de l’efficacité de ce cadre légal.

Souvent décrié, le prétendu « vide juridique » en matière de nouvelles technologies reste largement un mythe. En effet, les textes légaux existent. Par exemple, l’article 34 de la loi « Informatique et Libertés » impose au responsable du traitement de données personnelles de prendre toutes les mesures nécessaires « pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu’elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès ». De plus, l’article 226-17 du Code pénal punit le non-respect de ces dispositions sur le plan pénal.

Cependant, la mise en œuvre de ces textes s’avère parfois extrêmement compliquée, notamment lorsque du droit international privé entre en jeu, ce qui est bien souvent le cas dans un secteur aussi mondialisé que celui des objets connectés. Faire cesser une atteinte au droit français est nécessairement difficile lorsque le fabricant de l’objet est en Corée du Sud ou aux Etats-Unis et qu’il ne possède aucun établissement en France, par exemple, plus encore si la victime n’est pas assistée d’un avocat. De plus, le problème récurrent posé en ce qui concerne les données personnelles est que les individus n’ont généralement pas même conscience de la violation de leurs droits…

Si on se place du côté des concepteurs de ces objets, les logiciels informatiques qu’ils développent sont susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur et, selon l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), leurs produits électroniques peuvent être brevetés dès lors que le programme en question est « capable de produire un effet technique supplémentaire allant au-delà des interactions physiques « normales » existant entre le programme (logiciel) et l’ordinateur (matériel) ».

Le cadre juridique existe donc bien, la difficulté première demeurant sa sous-application dans les faits. A l’heure actuelle, les objets connectés sont au cœur de nombreuses controverses. Ainsi, après la question sur l’opportunité d’accorder un statut juridique aux robots ou aux intelligences artificielles s’est posée la question de créer un statut légal des objets connectés entouré d’une réglementation spéciale. Une chose est sûre : les objets connectés n’ont pas fini de faire parler d’eux, à charge pour le monde juridique de prendre le train en marche s’il ne veut pas être dépassé.