Le préjudice d’angoisse de mort imminente est-il indemnisable ?

Préjudice d'angoisse de mort imminente

La chambre criminelle de la Cour de cassation a le 27 septembre 2016 (n° de pourvoi : 15-83.309), dans un arrêt à tiroirs, précisé le concept de préjudice d’angoisse de mort imminente et rappelé le principe de réparation intégrale du préjudice d’une victime.

À l’image de la solution rendue, nous partagerons notre étude entre le préjudice d’angoisse de mort imminente et le principe de réparation intégrale du préjudice.

 

Préjudice d’angoisse imminente : un concept conditionné

 

Dans cette affaire, une épouse avait sollicité que soit indemnisé le préjudice de son époux décédé à la suite d’un accident de la circulation, résultant « des souffrances morales et psychologiques nées de l’angoisse d’une mort imminente qu’aurait ressenties son mari entre la survenance de l’accident et celle de son décès ». En effet, entre l’accident et son décès, la victime était restée douze heures dans le coma.

En appel, sa demande avait été rejetée. Le raisonnement des juges du fond était que son époux n’ayant pas repris connaissance, il ne pouvait se rendre compte de la gravité de son état et de l’imminence de sa mort.

La Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel en expliquant que « le préjudice d’angoisse de mort imminente ne peut exister que si la victime est consciente de son état ».

C’est donc la conscience de sa mort prochaine et prématurée qui est la condition indispensable à la caractérisation d’un préjudice d’angoisse de mort imminente indemnisable.

Cette solution est classique et ne fait que reprendre la position de la Cour de cassation adoptée depuis plusieurs années désormais. (Civ. 1ère, 13 mars 2007, n°05-19.020; Crim. 5 octobre 2010, n°09-87.385)

Il convient de remarquer que l’épouse de la victime prédécédée n’avait pas sollicité l’indemnisation pour le pretium doloris, préjudice purement objectif de la perte de chance de vie. La raison en est simple : le pretium doloris n’est pas indemnisable.

 

Le principe de réparation intégrale du préjudice : l’absence d’obligation de minimiser son préjudice

 

Dans un second temps, la Cour de cassation a été amenée à statuer sur les propres préjudices de l’épouse à l’origine de l’action en justice.

Les juges lui avait octroyé une indemnisation au titre de son préjudice scolaire, universitaire ou de formation, définit au sein de la nomenclature DINTILHAC (Juillet 2005 ; instrument d’évaluation des préjudices) comme étant « la perte d’une ou de plusieurs années d’études à l’origine d’un simple retard dans la formation, d’un changement d’orientation, voire d’une renonciation à toute formation ».

Elle contestait la décision rendue par la Cour d’appel qui avait limité ce poste de préjudice, aux motifs qu’elle aurait refusé de se soumettre à des traitements médicaux, antidépresseurs et thérapeutiques. Ce refus aurait « participé à la dégradation de son état psychologique, ruinant toute possibilité de restaurer la possibilité de ses études engagées avant l’accident ».

La Cour de cassation a donné droit à la victime en censurant l’arrêt d’appel. Elle rappela que :

« Le refus d’une personne, victime du préjudice résultant d’un accident dont un conducteur a été reconnu responsable, de se soumettre à des traitement médicaux, qui ne peuvent être pratiqués sans son consentement, ne peut entraîner la perte ou la diminution de son droit à indemnisation de l’intégralité des préjudices résultant de l’infraction ».

 

La Cour de cassation se base ici sur deux principes fondamentaux :

  • Celui résultant de l’article 16-3 du Code civil reprenant le principe de libre disposition de son corps, de droit au respect à l’intégrité du corps humain ;
  • Le principe de réparation intégrale du préjudice résultant de l’ancien article 1382 du Code civil, devenu depuis la réforme du 10 février 2016, l’article 1240 ;

 

Il résulte du second principe, que la victime n’est pas tenue d’une obligation de minimiser son dommage.

Cette solution constante connaîtra peut-être une évolution avec l’avènement attendu de la réforme du droit de la responsabilité civile. Cette règle est en effet déjà appliquée en droit anglo-saxon, où le « due to mitigate» peut être opposé à la victime d’un préjudice.

Aucun calendrier n’a encore été fixé notamment en raison des contingences électorales. Pour autant, aucune obligation de minimiser les préjudices corporels ne devrait être proposée.  Nous ne manquerons pas de revenir sur ce site plus en détails sur cette réforme dès qu’elle sera officiellement introduite.