Procès du dentiste de Château-Chinon : explications de l’affaire

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Ce mardi 8 mars 2016 s’est ouvert le procès de Jacobus Marinus Van Nierop devant le tribunal correctionnel de Nevers. Surnommé le « dentiste de l’horreur » ou encore le « dentiste boucher » par une presse friande de faits divers, “Mark” Van Nierop fait aujourd’hui face à la justice.

Retraçons rapidement le parcours de ce quinquagénaire au parcours original avant de nous attacher à comprendre les charges qui pèsent contre lui.

 

Le héros d’un désert médical désespéré

 

En 2006, le dernier dentiste de Château-Chinon, petite sous-préfecture de la Nièvre, ferme son cabinet. A partir de cette date, les habitants doivent parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour espérer être reçus par un praticien compétent. Las, les habitants désespèrent de revoir un dentiste s’installer un jour, dans une zone où la désertification médicale est loin d’être une notion abstraite.

Deux ans plus tard, Jan Van der Lee, un chasseur de têtes néerlandais, recrute finalement un compatriote en la personne de Jacobus Marinus Van Nierop. Mandaté par les collectivités territoriales locales pour procéder au recrutement de professionnels de santé, Jan Van der Lee a réussi à inciter nombre de praticiens à délaisser leurs régions ou pays d’origine pour venir exercer dans le département de la Nièvre. Sur les dizaines de personnes recrutées, il apparaît que seul ce cas précis a posé problème, même si cela n’occulte pas les manquements inhérents à ce recrutement.

En effet, il semblerait que Monsieur Van Nierop faisait déjà, au jour de son recrutement, l’objet de poursuites judiciaires aux Pays-Bas pour négligence et facturation excessive. Néanmoins, ces accusations n’ont visiblement pas retenu le ministère de la Justice néerlandais de lui fournir un certificat, ni empêché le dentiste de produire une déclaration sur l’honneur attestant de l’absence de poursuites dans son pays d’origine afin d’être inscrit à l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la Nièvre. Cette première défaillance des points de contrôle classiques est malheureusement la première d’une longue série.

Très rapidement, “Mark” Van Nierop prend ses quartiers à Chalon-sur-Saône où il ouvre un cabinet de dentiste avec la bénédiction de la commune et de l’ensemble des habitants. Pendant presque quatre ans, entre fin 2008 et juillet 2012, le dentiste néerlandais pratiqua sa profession en France.

 

 

Un dentiste aux compétences plus que douteuses…

 

Confiants lorsqu’ils franchissaient le seuil du cabinet, les patients de Jacobus Marinus Van Nierop l’étaient nettement moins après un séjour sur un des fauteuils du cabinet dentaire de Château-Chinon.

Sur la centaine de patients-victimes recensées jusqu’à présent, les récits se suivent et se ressemblent : dents arrachées ou dévitalisées inutilement, pose de prothèse et implants aléatoirement, opérations inachevées, mâchoires irrémédiablement blessées, voir même instruments médicaux incrustés dans la gencive ( !) … Les cas ne manquent pas et paraissent tous pointer vers une négligence grave et renouvelée du dentiste.

Le rituel était, semble-t-il, toujours le même : une forte anesthésie précédant une opération médicale parfois lourde et rarement effectuée dans les règles de l’art, occasionnant bien souvent des douleurs physiques et un choc émotionnel, sans parler du coût prohibitif de ces interventions. Plusieurs patients ont subis des douleurs pendant plusieurs mois, ressentis un inconfort persistant…et déboursés plusieurs milliers d’euros, voir dizaines de milliers d’euros dans certains cas.

 

Une mise en cause tardive

 

En 2011, après avoir alerté par des patients traumatisés et des dentistes « récupérant » ses cas, le conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes lance enfin des poursuites disciplinaires à l’encontre de “Mark” Van Nierop. Néanmoins, cette procédure ne l’empêche pas de continuer à exercer son métier jusqu’à l’été 2012.

Ce n’est qu’en 2013 que le dentiste indélicat sera finalement mis en examen, plusieurs mois après avoir cessé toute activité en France et quitté le territoire national. Placé sous contrôle judiciaire, Jacobus Marinus Van Nierop prend peur et décide de s’enfuir au Canada. Arrêté, le néerlandais a tenté de se suicider avant d’être renvoyé aux Pays-Bas puis extradé en France pour être remis entre les mains de la justice. Il tente de se justifier aujourd’hui en invoquant des désordres psychologiques, notamment liés à une volonté de devenir une femme.

Après ce rapide tour d’horizon, voyons quels sont les chefs d’accusation retenus contre M. Van Nierop.

 

Des chefs d’accusation multiples

 

“Mark” Van Nierop est accusé de violences volontaires. Ces faits se seraient produits en-dehors du cadre médical, qui protège normalement les professionnels de santé lorsque ceux-ci pratiquent une intervention susceptible d’altérer l’intégrité corporelle d’un patient consentant. Cette accusation est la plus grave et paraît difficilement discutable, tant les cas sont nombreux et les préjudices avérés, étant parfois irrémédiables. Néanmoins, il convient de noter que les violences volontaires ne sont qu’un délit, ce qui explique que M. Van Nierop ne soit pas jugé devant une Cour d’assises mais devant le tribunal correctionnel de Nevers.

Le dentiste néerlandais est également poursuivi pour fraude sociale, ce qui s’est traduit par une facturation excessive, faits pour lesquels il a déjà été attaqué aux Pays-Bas, et à une volonté de fraude à la sécurité sociale en facturant des opérations inexistantes. En outre, le fait de ne pas avoir reconnu les différentes poursuites dont il faisait l’objet au Pays-Bas dans sa déclaration sur l’honneur relative à son inscription à l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la Nièvre vaut aujourd’hui au dentiste d’être accusé de déclarations mensongères. Non content de mentir sur sa propre situation, Jacobus Marinus Van Nierop est soupçonné d’avoir falsifié des documents médicaux, notamment des devis, ce qui a logiquement conduit le ministère public à qualifier ces faits de faux en écriture.

Finalement, M. Van Nierop est accusé d’avoir cherché à escroquer son assurance, en déclarant une blessure importante au bras, lui permettant de fermer précipitamment son cabinet, alors même qu’il a été aperçu ensuite par plusieurs témoins (dont des gendarmes !) au volant d’une voiture.

 

Quelles chances de condamnation aujourd’hui ?

 

Reste que si les chances de condamnations sont réelles, l’éventualité de voir les victimes indemnisées un jour semble mince : celles-ci sont extrêmement nombreuses, ont subi un préjudice important et le prévenu affirme être insolvable.

La Mutuelle d’assurances du corps de santé français a d’ores et déjà annulé son contrat avec le dentiste, celui-ci ne lui ayant pas indiqué les poursuites disciplinaires dont il faisait l’objet lors de son installation en France, ce qui réduit encore la possibilité de trouver un débiteur suffisamment solvable. En outre, les actions engagées par les victimes auprès du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions ont essuyé jusqu’à présent un unanime rejet.

Par conséquent, Jacobus Marinus Van Nierop sera très certainement condamné, mais les victimes ne seront vraisemblablement pas remboursées, ou alors très peu. Dans des cas comme celui-ci, il ne peut qu’être conseillé aux victimes de saisir un avocat le plus rapidement possible afin d’être en mesure de faire valoir leurs droits en temps utile.