Œil pour œil…proportionnalité et légitime défense

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Au moment où l’alignement du régime de la légitime défense des policiers sur les gendarmes anime nombre de débats, la Cour de cassation a eu l’occasion de revenir sur le régime commun de la légitime défense dans un arrêt rendu le 17 janvier 2017 par la chambre criminelle (Crim. 17 janvier 2017, n°15-86.481). Cet arrêt permet de revenir sur ce mécanisme au cœur de l’actualité, notamment depuis l’affaire Jacqueline Sauvage.

Légitime défense = permis de tuer ?

L’article 122-5 du Code pénal encadre le recours à la légitime défense.

Ainsi, toute personne en situation de danger envers elle-même ou une autre personne par une atteinte injustifiée peut accomplir un acte commandé par la nécessité de se défendre. Il en résulte que la légitime défense doit remplir deux conditions :

 

  • La défense doit être nécessaire, seule solution pour éviter le danger ;
  • L’acte de défense doit être proportionnel à la gravité de l’atteinte ;

 

Le danger subi par une personne peut être tant physique que moral et résulter d’une agression qui ne peut être seulement supposée ou hypothétique. Il faut que la personne qui invoque la légitime défense pour justifier son geste ait pu raisonnablement croire en l’existence d’un danger. C’est justement sur la proportionnalité de l’acte de défense par rapport à la gravité de l’acte d’agression que les magistrats de la Cour de cassation ont eu à discuter.

 

Légitime défense : la proportionnalité de la riposte

En l’espèce, à la suite d’un accrochage banal sur le périphérique parisien, deux hommes ont eu une  violente bagarre qui s’est soldée par la tétraplégie de l’assaillant. Plus précisément, à la suite de l’accident de la circulation et au regard du comportement menaçant du second conducteur, le premier avait fui et s’était réfugié dans un chantier. Le second conducteur l’avait alors poursuivi en voiture et s’était mis en travers de la route pour lui barrer le chemin et l’empêcher de repartir.

Une série de coups avaient été échangés, principalement donnés par le conducteur agressif. L’automobiliste terrifié avait tenté de parer les coups, et dans ces conditions avait lancé sa main en avant vers l’automobiliste qui avait alors chuté au sol après que sa tête eut heurté le capot de la voiture. A la suite de cette chute, le conducteur agressif était devenu tétraplégique.

La Cour de cassation amenée à trancher la question de savoir si la légitime défense pouvait constituer un fait justificatif, a retenu que le conducteur agressé injustement avait été contraint de se défendre et de riposter. La Cour constatait qu’il n’existait pas de disproportion entre l’agression et le moyen de défense employé.

Ainsi, la proportionnalité de l’acte de défense à l’agression subie a ici permis de retenir la légitime défense. Le fait que la personne à l’origine de l’acte de défense n’ait aucun dommage et que celui qui ait reçu les coups soit devenu tétraplégique, est indifférent à la caractérisation de la légitime défense. Cette décision a le mérite de préciser un peu plus le régime de la légitime défense, mécanisme pénal extrêmement difficile à caractériser et source de nombreux débats publics.

 

Pour aller plus loin dans le thème de l’arrêt, il semblait opportun d’exposer brièvement les modifications récentes apportées au régime de de l’usage et du port d’armes par les forces de l’ordre.

 

Forces de l’ordre et légitime défense

 

La loi n°2017-258 du 28 février 2017 a créé un article L435-1 au sein du Code de la sécurité intérieure. Cette disposition prévoit les hypothèses où l’usage des armes par les forces de l’ordre en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée est autorisé :

 

1° Lorsque des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes armées menacent leur vie ou leur intégrité physique ou celles d’autrui ;

 

2° Lorsque, après deux sommations faites à haute voix, ils ne peuvent défendre autrement les lieux qu’ils occupent ou les personnes qui leur sont confiées ;

 

3° Lorsque, immédiatement après deux sommations adressées à haute voix, ils ne peuvent contraindre à s’arrêter, autrement que par l’usage des armes, des personnes qui cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et qui sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ;

 

4° Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ;

 

5° Dans le but exclusif d’empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d’un ou de plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d’être commis, lorsqu’ils ont des raisons réelles et objectives d’estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont ils disposent au moment où ils font usage de leurs armes.