La convention du 15 novembre 2024 fixe la règlementation d’assurance chômage dont peuvent bénéficier les salariés involontairement privés d’emploi dont la fin de contrat de travail intervient à compter du 1er janvier 2025, à l’exception de ceux pour lesquels la procédure de licenciement a été engagée avant cette date.
Les principales évolutions règlementaires entrent en vigueur au 1er avril 2025. La Circulaire UNEDIC n°2025-03 publiée le même jour donne une lecture explicative des textes. Il s’avère néanmoins que certaines précisions de ladite circulaire rentrent en contradiction avec l’esprit même de la convention.
I. Focus sur le différé spécifique d’indemnisation défini par la convention du 15 novembre 2024
L’allocation retour à l’emploi à l’emploi est un revenu versé par France Travail venant compenser la perte d’un emploi. La cessation du contrat de travail susceptible d’aboutir à une telle prise en charge suppose un licenciement, une rupture conventionnelle, le non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée et certaines démissions considérées comme légitimes.
Le versement de l’allocation retour à l’emploi est soumis à un différé d’indemnisation spécifique entre la date de fin du contrat de travail et le paiement effectif.
Ainsi, l’article 21 de la Convention du 15 novembre 2024 énonce que : « La prise en charge est reportée à l’expiration d’un différé d’indemnisation spécifique en cas de prise en charge consécutive à une cessation de contrat de travail ayant donné lieu au versement d’indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture, quelle que soit leur nature ».
Le différé correspond à un nombre de jours calendaires égal au nombre entier obtenu en divisant le montant total des indemnités perçues au titre de la rupture du contrat de travail par 109,6 (Valeur au 01/01/2025, Circ. Unédic n° 2025-01 du 07/01/2025). La Convention limite le différé à 150 jours calendaires et 75 jours en cas de rupture du contrat de travail résultant d’un licenciement pour motif économique.
La Convention précise que les sommes entrant dans l’assiette du différé correspondent aux indemnités ou tout autre somme inhérente à cette rupture. Sont toutefois exclues les sommes dont le montant ou les modalités de calcul résultent directement de l’application d’une disposition législative et celles qui ont été allouées par le juge.
II. Les apports de la circulaire du 1er avril 2025
La circulaire du 1er avril 2025 fait entrer dans l’assiette de calcul du différé spécifique les indemnités résultant d’une transaction qui ont été versées postérieurement à la fin du contrat de travail (Circ. 2025-03 du 01.04.2025 Fiche n°4 n° 1.1, page 130-131).
La circulaire prévoit ainsi : « Si la transaction comporte des sommes ayant la nature de salaire, l’employeur a l’obligation d’établir un bulletin de paie faisant apparaître le détail de ces sommes (Cass. soc., 16/06/1998, n° 96‐41.768). La mention dans la transaction du type « somme versée du fait de l’exécution du contrat de travail » ou « en réparation d’un préjudice né de l’exécution du contrat » ne saurait permettre d’exclure la somme de l’assiette du différé, dès lors qu’elle n’a pas donné lieu à l’établissement d’un bulletin de salaire ».
Ainsi, pour bénéficier d’une exonération, il faut que le montant transactionnel ait été versé en amont d’une rupture, pour l’en décorréler et qu’il ait donné lieu à l’émission d’un bulletin de paie.
Cette position surprenante est en contradiction avec les dispositions de l’article 21 de la convention du 15 novembre 2024 qui limitaient l’assiette du différé aux « indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture [du contrat de travail] ». La circulaire fait ainsi entrer dans l’assiette de calcul les sommes liées à l’exécution du contrat de travail.
Ces sommes peuvent toutefois être constitutives de dommages-intérêts, sans lien avec la rupture du contrat de travail. Pour cette raison, la corrélation entre ces sommes et le calcul du différé spécifique d’indemnisation est fortement critiqué.
Il convient de noter par ailleurs que la circulaire n’a pas de valeur juridique ; elle ne fait qu’office d’interprétation des textes. Elle ne donne que la position de l’Administration dans son application des textes, ici de la convention du 15 novembre 2024 relative à l’assurance chômage. Il reviendra aux juridictions de trancher ce point.
III. Une circulaire contraire à la position jurisprudentielle
Par un arrêt du 15 mars 2018, la deuxième chambre civile se refusait à intégrer l’indemnité transactionnelle dans l’assiette de calcul des cotisations : « l’indemnité transactionnelle litigieuse avait un fondement exclusivement indemnitaire, la cour d’appel en a exactement déduit que celle-ci n’entrait pas dans l’assiette des cotisations sociales » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 15 mars 2018, 17-10.325, Publié au bulletin).
En attendant que les juridictions se prononcent éventuellement sur l’interprétation que l’on doit donner à la Convention du 15 novembre 2024 et à la formulation « inhérente à cette rupture », l’UNEDIC fera une application tendancieuse et contestable des textes. L’enjeu parfois limité ne se prêtera sans doute pas à des contentieux d’allocataires France travail devant le Tribunal judiciaire.
Il est navrant que, parce qu’il y aurait de l’argent à aller chercher, l’UNEDIC, par une incise dans une circulaire, s’arroge de tels droits, ruinant des équilibres qui peinent à se mettre en place dans un contexte normatif changeant.