Les conditions du licenciement pour faute grave lors d’un arrêt pour accident du travail

L’arrêt maladie, qu’il soit professionnel ou non, suspend le contrat de travail. Par ailleurs, le licenciement d’un salarié en raison de sa maladie est entaché de nullité pour discrimination liée à l’état de santé du salarié.

 

Cependant, le licenciement d’un salarié en arrêt maladie reste possible mais il est toutefois encadré par la jurisprudence afin de protéger le salarié.

 

Ainsi, l’employeur qui souhaite licencier son salarié en arrêt maladie (non professionnelle) devra prouver que l’absence du salarié entraîne une perturbation pour l’entreprise (et non du seul service où il exerce) et il doit également prouver la nécessité du remplacement du salarié à son poste. Le licenciement n’interviendra donc pas en raison de l’état de santé du salarié mais des conséquences de son absence sur le bon fonctionnement de l’entreprise.

 

La jurisprudence exige que l’employeur prouve qu’il a dû recourir à une embauche définitive à durée indéterminée afin de remplacer le salarié malade. Ainsi, un remplacement en CDD ne permet pas de prouver le caractère pérenne du remplacement et ne pourra pas justifier le licenciement du salarié malade. En revanche, la transformation du CDD en CDI répond à l’exigence d’embauche imposée par la jurisprudence.

 

Le salarié est plus encore protégé en cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail qui ne permet pas le licenciement sauf si l’employeur justifie d’une faute grave du salarié ou de son impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l’état de santé du salarié.  

 

Le salarié en arrêt maladie n’est pas tenu de fournir sa prestation de travail et il ne doit d’ailleurs pas être importuné par son employeur durant cette période de suspension du contrat de travail.

 

Il reste tenu d’un certain nombre d’obligations envers son employeur. Si l’obligation de fournir la prestation de travail est suspendue ce n’est pas le cas de l’obligation de loyauté.

 

L’obligation de loyauté du salarié est une notion variable en fonction des responsabilités qui lui incombent. Néanmoins, elle peut se comprendre comme un devoir général du salarié, ce dernier se devant de rester honnête avec son employeur et devant s’abstenir de tout comportement qui pourrait porter préjudice à ce dernier.

 

Il a ainsi été jugé que l’exercice d’une activité salariée pendant l’arrêt maladie n’est pas constitutif en lui-même d’un manquement à l’obligation de loyauté et pour que tel soit le cas, l’acte commis par le salarié doit causer un préjudice à l’entreprise. (Cass. Soc., 12 oct. 2011, no 10-16.649).

 

Ainsi, le salarié en arrêt maladie qui travaille pour une entreprise concurrente ou qui constitue une société concurrente de celle de son employeur durant son arrêt maladie aura manqué à son obligation de loyauté.

 

La Cour de Cassation vient de rendre une décision illustrant la compréhension extensive qu’elle fait de l’obligation de loyauté du salarié. (Cass, soc ; 20 février 2019, n° 17-18.912)

Les faits ayant donné lieu au prononcé de cet arrêt sont les suivants : un basketteur professionnel avait été engagé le 15 août 2013 suivant un contrat à durée déterminée pour les saisons de 2013 à 2016.

 

A la suite d’une blessure constitutive d’un accident du travail, il est placé en arrêt maladie.  Alors qu’il est toujours en arrêt maladie il fait l’objet d’un licenciement pour faute grave.

 

Son employeur a considéré que le fait que son salarié, basketteur professionnel, n’ait pas honoré le rendez vous destiné à l’organisation des séances de kinésithérapie prescrites par le médecin traitant de l’équipe et qu’il ne demeurait pas à la disposition du kinésithérapeute constituait un manquement du salarié à son obligation de loyauté qui s’analysait en une faute grave.

 

Cette analyse a été confirmée par la Cour de Cassation :

« Mais attendu que pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur peut seulement, dans le cas d'une rupture pour faute grave, reprocher au salarié des manquements à l'obligation de loyauté »

 

En l’espèce, c’est le refus des soins qui a constitué un manquement à l’obligation de loyauté et qui s’est analysé en un comportement fautif du salarié. Ainsi, la circonstance que le salarié était basketteur professionnel a joué dans la qualification de son manquement à son obligation de loyauté.

En effet, tant son contrat de travail que la convention collective de la branche du basket lui enjoignaient de se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique en cas de blessure.

 

On peut se demander si la solution aurait été identique s’agissant d’un salarié malade en accident du travail mais ayant une activité moins physique ?  Pourrait-il se voir licencier pour faute grave s’il refusait des soins lors de son arrêt ? A ce jour, il n’y a pas de jurisprudence sur ce cas plus général.

 

En revanche, la Cour de Cassation a dû prendre position dans une affaire similaire mais dont les faits sont inversés : il s’agissait d’un salarié malade mais qui refusait de s’arrêter afin de se soigner. Il a été licencié pour faute mais sur le fondement d’un manquement à l’obligation de sécurité qui pèse à la fois sur le salarié et sur l’employeur.

 

En effet, le salarié doit prendre soin « en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ».  (Cass.Soc ; 12 octobre 2017, n° 16-18. 836)

 

Ainsi, le fait de refuser de s’arrêter et de se soigner à la suite d’une maladie constitue un manquement à l’obligation de sécurité et justifie un licenciement pour faute même lorsque qu’aucune clause contractuelle ne prévoit une obligation « de prendre soin de son potentiel physique. »

 

La jurisprudence rappelle bien les obligations qui pèsent sur les salariés malades en arrêt ou en activité, qui sont celles de loyauté et de sécurité.